Le Conseil militaire suprême (YAS) s'est réuni lundi pour examiner l'évolution des carrières dans l'armée turque, offrant au gouvernement islamo-conservateur l'occasion d'affirmer son emprise sur une institution longtemps hostile et secouée par une vague de démissions au sommet.

Pour la première fois dans l'histoire turque, la réunion annuelle du YAS a débuté en l'absence du chef de l'état-major des armées, le général Isik Kosaner, et des généraux qui commandaient l'armée de terre, la marine et l'aviation, démissionnaires vendredi, a rapporté l'agence de presse Anatolie.

C'est l'ex-chef de la gendarmerie, le général Necdet Özel, nommé dans l'urgence vendredi soir commandant de l'armée de terre puis chef d'état-major en exercice, qui co-préside la réunion de quatre jours, aux côtés du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Les quatre officiers supérieurs ont démissionné en raison d'un désaccord avec le gouvernement sur la promotion de militaires de haut rang incarcérés dans des affaires de complot contre le régime.

Les ex-chefs de l'armée exigeaient que les militaires en détention puissent bénéficier de promotions, même s'ils sont en prison dans l'attente de la fin de leur procès, ce que refuse le gouvernement, selon la presse.

Autrefois intouchable et incontournable dans la vie politique, l'armée turque est depuis plusieurs années la cible de critiques et d'accusations, dont celle de complots visant à renverser le gouvernement de M. Erdogan.

Quarante-deux généraux, soit plus d'un sur dix, et plusieurs dizaines d'officiers d'active ou à la retraite, sont actuellement incarcérés dans le cadre de complots présumés visant le gouvernement.

Depuis 1960, quatre gouvernements ont été chassés du pouvoir par l'armée, qui se définit comme la garante de la laïcité en Turquie, dont celui en 1997 de l'islamiste Necmettin Erbakan, mentor de M. Erdogan.

Les récentes démissions ouvrent la voie à un jeu de chaises musicales dans lequel le gouvernement entend bien jouer un rôle prépondérant pour façonner un état-major dont seront exclus ses plus féroces détracteurs.

L'exécutif ne se contentera pas cette fois d'entériner, comme le voulait la tradition, les décisions de l'état-major concernant les nominations aux postes clés de l'armée, a prévenu Hüseyin Celik, vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.

«Dans votre (l'état-major, ndlr) champ de compétence, vous pouvez proposer des noms, mais vous ne pouvez pas les imposer», a déclaré M. Celik, dans des propos rapportés dimanche par le quotidien Milliyet.

La fonction de chef d'état-major ne semble pas, selon la presse, poser de problème, les récentes promotions dont a bénéficié le général Özel semblant le désigner naturellement comme successeur du général Kosaner.

Les nominations à la tête des quatre armes pourraient en revanche donner lieu à de nouvelles démissions si le gouvernement passe outre l'ordre de préséance hiérarchique pour évincer certains officiers, estimaient plusieurs quotidiens.

Le cas du poste de chef de l'armée de terre semble particulièrement problématique, puisqu'il doit théoriquement revenir au général Saldiray Berk, responsable de l'éducation et de la doctrine de l'armée de terre, mais celui-ci est visé par des poursuites dans une affaire de complot anti-gouvernement.

Le deuxième candidat possible dans l'ordre hiérachique est le général Aslan Güner, actuel numéro deux de l'état-major. Mais il devrait lui aussi être évincé par le gouvernement, car il avait refusé de serrer la main à l'épouse voilée du président Abdullah Gül, selon Milliyet.

M. Gül doit rendre publiques jeudi les décisions du YAS.