Plusieurs partis français ont appelé le Front national à se démarquer de propos de son chef historique Jean-Marie Le Pen insistant sur la «naïveté» du gouvernement norvégien pour expliquer la tuerie, et sa fille Marine a répliqué en dénonçant une «récupération politicienne».

Plusieurs ténors socialistes sont montés au créneau dimanche pour appeler Marine Le Pen, présidente du Front national, à condamner cette nouvelle «provocation» de son père, à qui elle a succédé à la tête du parti en janvier dernier et qui est président d'honneur du FN.

En pleine quête de respectabilité pour le FN, Marine Le Pen doit désormais «prendre ses responsabilités», «dire que ces déclarations sont inadmissibles», a estimé le porte-parole du Parti socialiste Benoît Hamon.

«Il faut qu'elle sorte de son ambiguïté, elle qui a parlé de dédiabolisation (...) ne peut pas laisser passer ce genre de propos sans réagir», a abondé le député Pierre Moscovici, coordinateur de la campagne de François Hollande, candidat à l'investiture socialiste pour la présidentielle.

De même, l'UMP (droite, au pouvoir) a appelé Marine Le Pen à «prendre position» et à «sortir d'un faux double langage». «Derrière le changement de prénom au FN, la ligne politique reste la même», a déclaré Valérie Rosso-Debord, déléguée générale adjointe du parti.

Vendredi, s'exprimant comme chaque semaine sur le site internet du FN, Jean-Marie Le Pen, 83 ans, avait jugé que la «naïveté» du gouvernement et de la société norvégienne était «plus grave» que les attaques perpétrées par Anders Behring Breivik, qualifiées d'«accident».

Habitué des provocations, plusieurs fois condamné en justice pour ses propos sur la Shoah ou sur l'immigration, l'ancien patron du parti d'extrême droite avait décrit la Norvège comme un pays «qui n'a pas pris la mesure du danger mondial» que représentent «l'immigration massive» et «le terrorisme, (...) phénomène mondial».

Samedi, il ne s'est pas déjugé, commentant pour l'AFP la tuerie qui a fait 77 morts le 22 juillet en ces termes: «Les conséquences meurtrières me paraissent quand même beaucoup plus liées à la naïveté de l'État norvégien qu'à la folie de ce dingo».

Répliquant dimanche aux mises en demeure qui lui ont été adressées, Marine Le Pen a dénoncé des réactions qui «font fi des drames humains pour tomber dans la récupération politicienne», s'en prenant particulièrement à la gauche.

«Depuis les premières heures qui ont suivi le drame d'Oslo, plusieurs partis de gauche et associations affiliées surfent de manière particulièrement indigne et cynique sur cette tragédie pour tenter d'en tirer un détestable profit politique», écrit Mme Le Pen, en dénonçant «un comportement abject de la gauche».

«La position du Front national sur le drame d'Oslo a été exprimée de manière très claire dès les premières heures. Elle n'a pas varié depuis», a souligné la présidente du FN.

Le Front national avait publié le 23 juillet, le lendemain de la tuerie en Norvège, un communiqué dans lequel il «condamne ces actes barbares et lâches» et exprime «sa totale solidarité avec le peuple norvégien».

Marine Le Pen avait pris soin de se distancier de l'acte d'Anders Behring Breivik, furieuse de voir son parti indirectement associé à la tuerie par certaines associations ou responsables de gauche.

Mais le mot d'ordre officiel avait subi des accrocs, notamment avec les gazouillis d'un cadre du parti, Laurent Ozon, pointant «une explosion de l'immigration» en Norvège pour expliquer le geste de Behring Breivik.

La direction du Front national a aussi suspendu cette semaine un de ses membres, Jacques Coutela, candidat du parti lors d'élections locales en mars, pour avoir publié sur son blogue une apologie de Behring Breivik.

Pour le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus, Jean-Marie Le Pen n'a pas commis de dérapage à propos de la tuerie d'Oslo, mais exprimé simplement «une croyance ancienne» selon laquelle «le multiculturalisme mènera inévitablement à l'affrontement violent».