Le coup de théâtre judiciaire qui se profile à New York, avec un possible effondrement des charges contre Dominique Strauss-Kahn, bousculait de nouveau vendredi le jeu politique en France, où un retour de l'ex-patron du FMI était envisagé par plusieurs de ses amis.

Grand favori de l'élection présidentielle du printemps 2012, Dominique Strauss-Kahn, 62 ans, avait été mis hors jeu à la mi-mai par les accusations de tentative de viol sur une femme de chambre, qui lui ont valu d'être arrêté à New York.

Incroyable, inenvisageable jusqu'à jeudi soir, le retour sur la scène française de l'ex-patron du FMI ne peut plus être exclu, alors que le Parti socialiste auquel il appartient vient de lancer des primaires pour la désignation de son candidat à la présidentielle.

Un ami proche de Dominique Strauss-Kahn, le député Jean-Marie Le Guen, a estimé vendredi que l'ex-directeur du FMI serait «un acteur incontournable de la vie politique dans les mois qui viennent».

Sans se prononcer sur une éventuelle candidature de DSK, l'ex-ministre Jack Lang, poids lourd du parti, a clairement souhaité son retour. «Sa présence avec nous, auprès de nous, serait déterminante pour notre succès à l'élection présidentielle», a-t-il déclaré sur BFM TV.

Les ténors socialistes, de leur côté, restaient très prudents vendredi sur les conséquences politiques d'une possible libération de celui qui était apparu menotté devant toutes les télévisions du monde, avant d'être envoyé en prison puis assigné à résidence à New York.

La patronne des socialistes français Martine Aubry a demandé que la justice américaine établisse «toute la vérité», tandis que son prédécesseur et rival François Hollande a souhaité que «toutes les charges» contre DSK soient levées. «Il est urgent que la vérité soit faite», a réclamé l'ex-candidate à la présidentielle Ségolène Royal.

Le New York Times affirme dans son édition de vendredi que les procureurs ont désormais des doutes sérieux sur les charges contre DSK et sur la crédibilité de son accusatrice. Une audience fixée dans l'urgence est prévue dans la journée à New York.

Passé le choc de la mise en accusation de DSK, les socialistes français s'étaient organisés pour aller sans lui à la bataille de la présidentielle et défier Nicolas Sarkozy, très probable candidat à sa propre succession.

Martine Aubry, longtemps hésitante et prête à s'effacer devant DSK, s'est solennellement lancée cette semaine dans les primaires de son parti. Elles doivent conduire les 9 et 16 octobre à la désignation du candidat socialiste par les sympathisants de gauche qui le souhaiteront.

Martine Aubry s'attendait à affronter François Hollande et Ségolène Royal. Tous trois devront-ils bientôt composer avec l'hypothèse d'un retour de DSK? Les amis de l'ex-patron du FMI y pensent et le disent.

Une responsable socialiste très proche de DSK, Michèle Sabban, a demandé vendredi une suspension du processus des primaires, afin de lui laisser la possibilité d'y participer. Car le calendrier laisse peu de marges de manoeuvre, avec une date limite des candidatures fixée au 13 juillet.

«Si DSK revient avant le 14 juillet, la donne sera changée», a confié le président de la région Bourgogne, François Patriat.

Ce possible retournement de situation judiciaire pourrait aussi bouleverser l'équation à droite. L'entourage de Nicolas Sarkozy disait ces dernières semaines qu'il était de plus en plus confiant dans ses chances de victoire à la présidentielle, en dépit de sondages le donnant largement battu par les principaux prétendants socialistes.

Dans la majorité, l'hypothèse d'un retour de DSK est également prise au sérieux, au cas où les accusations contre lui tomberaient effectivement. «Qu'est-ce qui l'empêche de revenir s'il en a la force, s'il en a l'envie?», a déclaré l'ancien ministre Jean-Louis Borloo.