Allure passe-partout et style volontairement sobre, Martine Aubry, qui annonçait mardi sa candidature à la présidence française, veut incarner une gauche responsable mais fière de ses traditions et idéaux politiques, au risque de s'exposer à la critique d'«archaïsme».

À droite, les attaques sont déjà distillées à l'égard de cette petite femme de 60 ans, connue internationalement pour être «Madame 35 heures», celle qui a imposé ou offert aux Français (selon les points de vue) la réduction du temps de travail hebdomadaire, lorsqu'elle était ministre à la fin des années 1990.

Une réforme très controversée que le camp du président Nicolas Sarkozy voit comme le symbole d'une gauche dirigiste ou «archaïque».

Sans renier les «35 heures», Martine Aubry aimerait bien se débarrasser de cette étiquette qui lui colle à la peau et cherche à redresser son image depuis qu'elle a pris la tête du Parti socialiste à la fin 2008.

De nombreux poids lourds du PS la soutiennent. Personne ne donnait pourtant cher de son avenir lorsqu'elle fut élue de justesse face à Ségolène Royal, candidate socialiste malheureuse à la présidentielle en 2007, à la tête d'un parti déchiré. Cette élection fut de plus entachée d'accusations de fraudes.

Mais elle a entamé un patient travail de rénovation du parti et l'a gardé jusqu'à présent des divisions qui le minent habituellement. Elle a gagné en crédibilité et laissé parler sans déplaisir ceux qui l'ont comparée à une «Merkel de gauche».

«Nous sommes toutes les deux sérieuses. Elle a des petits problèmes avec Nicolas Sarkozy, nous sommes deux!», avait-elle un jour ironisé, en référence aux relations parfois tendues entre la chancelière allemande et le président français, qui sera très probablement candidat à sa réélection.

De la chancelière allemande, elle partage le style vestimentaire sobre mais aussi la discrétion sur la vie privée (elle est remariée à un avocat lillois et mère d'une fille). Mais certainement pas les idées politiques.

L'ancienne ministre de l'Emploi et numéro deux du gouvernement de Lionel Jospin (1997-2002) plaît à la gauche du parti socialiste. À cet égard, elle se situe beaucoup plus à gauche que son père, l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, dont elle partage cependant la foi dans la construction européenne.

Martine Aubry était pourtant prête à soutenir une candidature de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI et incarnation de l'aile sociale-libérale du PS.

Mais l'arrestation pour tentative de viol de DSK, qui a bouleversé le PS, l'a obligée à revoir ses plans et à se lancer elle-même, au nom d'un pacte qui les unissait: seul le mieux placé d'entre eux deux irait défier les autres candidats à la candidature lors des primaires socialistes.

Lors de la campagne de ces primaires, elle devra ainsi faire montre de sa détermination après des semaines et des mois au cours desquels son ambition a pu sembler flageolante. D'autant que son principal adversaire, François Hollande, qu'elle déteste, est parti depuis de longs mois et a réussi à forger une candidature solide et jugée crédible par les Français.

Après une carrière de haut fonctionnaire au ministère du Travail, Martine Aubry fut trois ans numéro deux du groupe métallurgique Pechiney avant sa première expérience ministérielle à l'Emploi de 1991 à 1993.

Déjà, on la disait «autoritaire et cassante», parfois aussi «rugueuse». Un trait de caractère qui lui vaudra quelques déboires lorsqu'elle accèdera à la mairie de Lille (nord) en 2001. Au point d'être battue localement aux législatives de 2002, dans la foulée de la déroute de Lionel Jospin à la présidentielle.

Ce soir-là, elle fond en larmes à la télévision et doit se replier sur sa ville. Avec succès puisqu'elle est réélue maire en 2008 avec 66% des voix, ce qui marque le début de son retour national.