Le philosophe français Luc Ferry se retrouve sur la sellette après avoir, pendant des années, reçu d'une université parisienne un salaire de professeur sans jamais y donner le moindre cours.

Cet ancien ministre de l'Éducation nationale a multiplié les déclarations médiatiques au cours des derniers jours pour nier toute malversation. Il a même menacé de «poursuivre les gens qui disent des conneries» à son sujet.

L'affaire a éclaté la semaine dernière dans les pages du Canard enchaîné, sous le titre «Un emploi fictif pour le moraliste Luc Ferry». L'hebdomadaire satirique relevait que le philosophe est employé et payé comme professeur des universités à Paris VII depuis plus de 10 ans même s'il «n'y a jamais mis une roue de sa décapotable» en raison d'une décharge d'enseignement qui lui permet de se consacrer à d'autres tâches.

Décharge

Le philosophe, auteur de plusieurs ouvrages à succès, est notamment chargé depuis 2004 de présider le Conseil d'analyse de la société (CAS), organisme consultatif relevant du premier ministre qui a pour mandat «d'éclairer les choix politiques du gouvernement par l'analyse et la confrontation des points de vue».

En raison de cette décharge, l'Université lui versait son salaire net de près de 4500€ (6300$) par mois tout en le dispensant de ses activités d'enseignant. Le CAS ajoutait une somme mensuelle de 1800€ (2500$).

L'entente, valable pour trois ans, a été reconduite deux fois jusqu'à la rentrée 2010. Les choses se sont compliquées en raison d'une nouvelle loi qui donne plus d'autonomie à l'Université, laquelle a refusé de prolonger la dispense une autre fois.

À l'automne, le président de l'Université, Vincent Berger, a écrit à plusieurs reprises à Luc Ferry pour lui demander de «régulariser» sa situation. Il lui a même proposé, dans une ultime missive, de donner 24 heures de cours en juin et juillet plutôt que le total prévu de 192 heures pour l'année.

Refus

Le philosophe a cependant refusé d'obtempérer au motif qu'il attendait de voir confirmer la prolongation de sa décharge. Il avait écrit en vain en mai 2010 à la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, pour lui demander d'avoir «la gentillesse» de procéder en ce sens.

Le bureau du premier ministre a annoncé vendredi qu'il rembourserait à l'Université les sommes payées à Luc Ferry depuis le mois de septembre 2010. L'intervention n'a pas mis fin à la controverse puisque plusieurs députés de gauche ont mis en doute l'importance des tâches de Ferry au CAS et lui demandent de rembourser lui-même l'Université.

Un député de droite, Yannick Favennec, exige quant à lui de voir les travaux réalisés par le CAS pour déterminer s'ils justifient une rémunération de plus de 6000€ (8400$) par mois. «Dans le contexte actuel, je ne pense pas que ce soit une bonne image de la politique que l'on renvoie, a-t-il dit. Cela me navre.»

Luc Ferry assure de son côté qu'il a réalisé un «vrai gros travail» pour le CAS et qu'il est «totalement absurde» de parler d'emploi fictif.

Il affirme qu'on cherche à le discréditer pour avoir récemment «eu l'audace de briser un tabou» en accusant publiquement, sans le nommer, un ancien ministre d'actes pédophiles. La police a ouvert une enquête sur ses allégations.