L'ex-milliardaire et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski a vu mardi sa peine réduite d'un an en appel et restera en prison jusqu'à 2016 pour vol de pétrole et blanchiment d'argent, une décision dénoncée par la défense comme la poursuite d'une «vengeance politique».

M. Khodorkovski et son ex-associé Platon Lebedev «sont condamnés définitivement à 13 ans de colonie pénitentiaire», a annoncé la juge Elena Arotchkina à l'issue de ce procès en appel, qui a duré une journée. Cela signifie qu'ils seront libérés en 2016.

Les deux hommes, en prison depuis 2003 et dont la peine initiale de huit ans avait été portée le 30 décembre à un total de 14 ans pour vol de pétrole et blanchiment, avaient réclamé mardi l'annulation de leur condamnation qualifiée d'«absurde» et de «délirante» par M. Khodorkovski.

Leurs avocats ont dénoncé un jugement à motivation politique.

«C'est la poursuite d'une vengeance. Le tribunal a pris sa décision sous la dictée du pouvoir politique», a déclaré l'avocat Iouri Chmidt, qualifiant la réduction d'un an de la peine de mesure «cosmétique».

Un autre avocat, Vadim Kliouvgant, a promis de contester cette décision «illégale» devant la Cour européenne des droits de l'Homme, «toutes les étapes en Russie étant passées».

La mère de M. Khodorkovski, Marina Khodorkovskaïa, a accueilli le jugement les larmes aux yeux. «Je ne m'attendais à rien d'autre (...) En 2016, je ne serai plus là», a-t-elle dit.

Ashton «très déçue»

À Bruxelles, la Haute représentante de la diplomatie européenne Catherine Ashton s'est déclarée mardi soir «très déçue» par la justice russe.

«Je demeure troublée par les allégations de nombreuses irrégularités dans ce procès, qui révèlent les problèmes dans le fonctionnement de la justice de la Russie», a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Londres a fait part de son «inquiétude». «L'échec de l'appel interjeté par MM. Khodorkovski et Lebedev ravive les inquiétudes concernant le respect de l'État de droit en Russie», a déclaré le secrétaire d'État aux Affaires étrangères David Lidington.

Et Amnesty International, revenant sur une première décision négative, a accepté mardi de donner suite à l'appel de 45 personnalités russes à considérer MM. Khodorkovski et Lebedev comme des «prisonniers d'opinion».

«Il ne peut plus y avoir de doute sur le fait que leur second procès a été entaché de fautes graves et a obéi à des motivations politiques», a souligné Nicola Duckworth, directeur d'Amnesty pour l'Europe et l'Asie centrale.

L'accusation avait admis que le volume de pétrole dont le vol était reproché à M. Khodorkovski, ex-patron du groupe pétrolier russe Ioukos, et à son associé Platon Lebedev, devait être divisé par trois, soit réduit de 347 millions de tonnes à 118 millions de tonnes. Mais le procureur Valéri Lakhtine avait néanmoins demandé que la peine de 14 ans de prison reste inchangée.

Dans un discours incisif d'un quart d'heure, M. Khodorkovski avait réclamé l'annulation d'un jugement «délirant», dénonçant devant les juges «l'arbitraire, le mensonge et les voyous au pouvoir», et estimant que ce système compromettait l'avenir de la Russie.

«On ne peut pas corriger ce jugement. Annulez-le ou vous rejoindrez les rangs des criminels en robe de magistrat», qui l'ont prononcé en décembre, avait-il lancé aux juges, lisant son texte debout, vêtu d'un polo noir, derrière la vitre blindée du box des accusés qu'il occupait avec M. Lebedev.

Il avait raillé une décision qualifiant de vol la «vente de pétrole avec bénéfice», jugeant les accusations portées contre lui «délibérément mensongères» et «délirantes».

«Je ne vous demande pas d'alléger ma peine, je n'ai pas besoin de votre pitié», avait-il dit.

Ce deuxième procès a été considéré par de nombreux observateurs comme la suite d'un règlement de comptes entre le pouvoir et un homme d'affaires, qui avait tenu tête au Kremlin et finançait l'opposition. Le jugement a été critiqué par nombre de capitales occidentales.

Le président Dmitri Medvedev «devra choisir ce dont lui-même et la Russie ont besoin: l'Etat de droit ou la justice sommaire. On ne peut pas avoir les deux à la fois», a dit M. Khodorkovski mardi.

M. Medvedev a affiché des positions plus libérales que celles de son prédécesseur Vladimir Poutine.

Président russe de 2000 à 2008, M. Poutine a, selon la presse et la défense de M. Khodorkovski, réglé par voie de justice un conflit personnel avec l'ex-patron du géant pétrolier Ioukos, démantelé au profit de sociétés publiques.