Un des derniers grands procès des crimes nazis en Allemagne devrait s'achever jeudi avec le verdict attendu pour John Demjanjuk, accusé de participation à l'Holocauste comme garde de camp d'extermination.    

Un tribunal de Munich devra dire si cet apatride d'origine ukrainienne âgé de 91 ans est complice de près de 27 900 meurtres. Soit le nombre de juifs exterminés au camp de Sobibor, à l'époque en Pologne, durant les six mois de 1943 où, selon l'accusation, il a été garde.

L'accusé, qui nie les faits, encourt au maximum 15 ans de prison. Le parquet a requis six ans.

Son avocat, Me Ulrich Busch, a réclamé l'acquittement et considère qu'il est une «victime de la justice allemande». Sa ligne de défense n'a pas dévié : rien ne prouve que Demjanjuk était à Sobibor et, s'il y était, soldat de l'Armée rouge fait prisonnier des nazis, il n'a agi que contraint et forcé.

L'accusé, entouré de médecins et d'un interprète ukrainien, a gardé le silence. Par l'intermédiaire de son avocat, il a accusé l'Allemagne de le «torturer». Sa famille assure qu'il est en mauvaise santé et a dit à maintes reprises qu'il ne survivrait pas à un procès.

Quelque 15 historiens, juristes, experts médicaux et graphologues se sont succédé à la barre. Trois déportés survivants du camp ont également témoigné, ainsi qu'un ancien garde.

Mais l'accusation n'a produit aucun témoin direct ou document à charge, sinon une carte d'identité des SS établissant sa qualité de garde à Sobibor. Un faux de l'époque soviétique, selon la défense.

L'accusation veut sa condamnation «par association» : Demjanjuk était garde à Sobibor, donc il est obligatoirement complice de l'extermination des juifs qui s'y est déroulée.

Le chasseur de nazis Serge Klarsfeld a dit à l'AFP son «sentiment général de frustration» alors que touche à sa fin un procès long et filandreux : quelque 90 audiences seulement en 18 mois.

«On espérait de nouveaux éléments» qui n'ont jamais été apportés, contre ce «petit poisson», a dit Me Klarsfeld. «S'il est condamné, ce sera seulement sur la base de sa présence à Sobibor, sans que sa participation directe soit établie. On laissera la porte ouverte aux accusations de justice partiale».

Assistant aux débats en brancard ou en chaise roulante, gémissant à l'occasion, Demjanjuk a évité tout contact avec l'assistance grâce à des lunettes noires. Une stratégie de sa défense qui est parvenue à empêcher presque toute émotion, et à éviter que le grand public s'intéresse au procès.

«Il s'est laissé ravalé au rang de meuble», regrettait Michael Koch, qui représente une dizaine de parties civiles. «Pourtant, j'ai bien vu que derrière ses lunettes il suivait ce qui se passait».

Mais l'avocat ne se félicitait pas moins d'un procès qui aura mis selon lui en lumière des rôles à première vue subalternes dans l'Holocauste : «Sobibor n'aurait jamais fonctionné sans les gardes, ou même les femmes de ménage ou les cuisiniers», expliquait-il à l'AFP.

Demjanjuk a déjà purgé huit ans de prison en Israël, accusé d'avoir été gardien au camp de Treblinka sous le surnom d'«Ivan le Terrible». Condamné à mort en 1988, il avait été acquitté par la Cour suprême israélienne en raison de doutes sur son identité.

Au terme d'une longue bataille judiciaire, Demjanjuk a été expulsé en mai 2009 vers l'Allemagne depuis les États-Unis où il vivait depuis les années 50.

Son procès restera dans l'histoire comme l'un des derniers des crimes nazis, avec celui du Hongrois Sandor Kepiro, 97 ans, qui vient de débuter à Budapest.

Quel que soit le verdict, le parcours judiciaire de Demjanjuk ne sera pas terminé puisque l'Espagne a réclamé son extradition. Il est accusé d'avoir été garde dans un autre camp de concentration où sont morts des prisonniers espagnols.