Demain, Jean-Paul II sera béatifié à l'église Saint-Pierre de Rome. C'est la dernière étape avant la sainteté, qu'avaient réclamée plusieurs fidèles lors des funérailles du pape polonais, voilà six ans, avec le slogan «santo subito». Ils sont des centaines de milliers à converger vers la Ville éternelle pour sa béatification. La rapidité de la béatification, un record pour les temps modernes, suscite toutefois la controverse. Cinq questions sur cet événement qui attirera à Rome des centaines de milliers de personnes ce week-end.

Q Quel est le miracle qui a ouvert la voie à cette béatification?

R En mai 2005, une religieuse provençale souffrant de la maladie de Parkinson a écrit sur un bout de papier le nom de Jean-Paul II, qui venait tout juste de mourir, pour qu'il l'accompagne dans ses prières vespérales. Le lendemain matin, soeur Marie-Simon-Pierre s'est réveillée sans douleur pour la première fois depuis quatre ans. Les tremblements typiques de la maladie avaient disparu.

Le Vatican a certifié, au terme d'une enquête, qu'il s'agissait d'un miracle, une guérison «scientifiquement inexplicable», attribuable au pape polonais. Des médias français ont depuis rapporté que soeur Marie-Simon-Pierre a fait une rechute, information niée par l'épiscopat hexagonal, et ont cité des neurologues affirmant que la religieuse de l'Institut des petites soeurs des maternités catholiques était probablement trop jeune -elle a maintenant 49 ans- pour être atteinte du Parkinson et qu'il s'agissait d'un mauvais diagnostic, sa véritable maladie étant plutôt une dépression.

Un chroniqueur de France 2 a traité les médias faisant état du miracle de «béni-oui-oui» trop crédules.

Q Pourquoi l'événement suscite-t-il une certaine controverse?

R En étant béatifié six ans et un mois après sa mort, Jean-Paul II bat de 15 jours mère Térésa, morte en 1997 et béatifiée en octobre 2003. Cette rapidité est surprenante, mais ne constitue pas un record absolu -au XIIIe siècle, saint François d'Assise a été carrément canonisé 18 mois après son décès et son disciple saint Antoine de Padoue, en moins d'un an-.

Plusieurs commentateurs considèrent qu'il s'agit d'une gifle aux victimes des prêtres pédophiles qui ont sévi sous son pontificat. «Comment peut-on devenir saint si on a été incapable de protéger des enfants innocents?» a écrit une chroniqueuse de gauche du New York Times. Cette rapidité n'est pas si étrange si on considère que l'internet permet à l'engouement populaire de gonfler beaucoup plus rapidement qu'avant, selon John Allen, vaticaniste de l'hebdomadaire américain The National Catholic Reporter. «À la base, le processus de béatification et de canonisation repose sur la mobilisation populaire, explique M. Allen. Jean-Paul II lui-même avait favorisé cette démocratisation avec une réforme, en 1983, qui avait allégé le processus de canonisation. Il ne faut pas non plus oublier que plusieurs des hauts prélats au Vatican ont été nommés par Jean-Paul II. Ça les rend sympathiques à sa cause.» Karol Wojtyla avait été déclaré vénérable en décembre 2009, sur la base de ses «vertus héroïques».

Q Jean-Paul II sera-t-il canonisé rapidement?

R Pour devenir saint, Jean-Paul II devra avoir un deuxième miracle à son actif. Les candidats sont nombreux, si on se fie au site dédié au pape polonais par le Vatican, qui précise que 270 cas sont présentement à l'étude. L'AFP rapportait par exemple mercredi qu'un Américain affirme avoir été sauvé par Jean-Paul II en mars dernier, quand un navire l'a rescapé en plein océan Atlantique. Il attribue son sauvetage à la bénédiction qu'il avait reçue de Jean-Paul II à Rome, en 2004. Mais selon John Allen, le processus pourrait être beaucoup plus long que ne le souhaitent les partisans du «santo subito». «Benoît XVI va certainement tenir compte des sentiments des victimes des prêtres pédophiles, surtout si on trouve d'autres preuves d'un laxisme de Jean-Paul II sur cette question, dit M. Allen. Et d'autre part, Benoît XVI est plus porté que son prédécesseur à faire des béatifications, mais moins prompt pour ce qui est des canonisations.»

Q Combien de pèlerins assisteront à la messe de béatification?

R Entre 300 000 et 400 000 personnes sont attendues à Rome pour assister à la messe de béatification de Jean-Paul II. C'est une foule comparable à celle de la béatification de mère Térésa, en 2003, mais très inférieure aux 4 millions de fidèles qui ont assisté aux funérailles du pape polonais, en avril 2005. L'AFP rapporte que 80 000 personnes assisteront directement à la messe sur la place Saint-Pierre, 100 000 autres sur le boulevard donnant sur la basilique, via della Conciliazione, et le reste devant des écrans géants disposés dans les places de la Ville éternelle.

Q Où se trouve la dépouille de Jean-Paul II?

R La dernière demeure de Jean-Paul II sera différente après sa béatification. Son cercueil était jusqu'à hier emmuré dans les grottes situées sous la basilique Saint-Pierre de Rome, où sont enterrés les papes. Il a été placé devant la tombe du premier pape, saint Pierre, toujours dans les grottes, sous l'autel principal de la basilique.

L'AFP rapporte que le cercueil de noisetier, qui enferme deux autres cercueils en plomb et en cyprès, passera deux nuits à cet endroit, recouvert d'un drap doré. Ensuite, il sera exposé, sans être ouvert, devant l'autel de la basilique. Lundi soir, il sera emmuré dans la chapelle de saint Sébastien, choisie parce qu'elle se trouve près de l'entrée -la deuxième après celle de la Pietà de Michel-Ange-; elle permettra donc d'accueillir les nombreux pèlerins attendus dans les prochains mois. Le cercueil de Jean-Paul II remplacera celui d'Innocent XI, un pape moralisateur du XVIIe siècle.