L'ascension politique mouvementée du président français Nicolas Sarkozy et ses déboires médiatisés avec son ex-femme Cécilia forment le coeur d'un nouveau long métrage qui promet de faire du bruit en France.

La conquête, du réalisateur Xavier Durringer, marquera, au dire de ses producteurs, une forme de rupture avec «l'autocensure» qui a cours dans le pays en présentant, au grand écran, un segment de la vie d'un chef d'État alors qu'il est toujours au pouvoir.

«C'est une première en France de présenter un président en exercice en gardant les noms, où ce sont Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et Dominique de Villepin qui sont mis en scène», souligne en entrevue M. Durringer, en évoquant le prédécesseur du président et l'ex-premier ministre.

L'oeuvre, qui sera présentée hors compétition au Festival de Cannes, à la mi-mai, n'est «ni un documentaire ni une oeuvre satirique», souligne le réalisateur, qui affirme avoir voulu coller au plus près de la réalité en évitant à tout prix de tomber dans la caricature. Le président est interprété par le comédien Denis Podalydès.

L'ambition

«C'est plus un film sur la conquête politique que sur Nicolas Sarkozy lui-même. Le spectateur est comme une petite souris qui peut voir de l'intérieur les affaires politiques tout en entrant dans l'intimité d'une désillusion amoureuse», relate le réalisateur.

La conquête couvre la période de cinq ans qui s'étend de l'arrivée du politicien au poste de ministre de l'Intérieur, en 2002, jusqu'à sa victoire au second tour de l'élection présidentielle de 2007 face à la candidate socialiste Ségolène Royal.

Le film montre aussi le rôle dans sa marche vers le pouvoir de Cécilia Sarkozy, qui le laissera peu après qu'il eut touché le but. «On voit une femme qui pousse un homme à prendre le pouvoir, jusqu'au jour où il y parvient et qu'elle le quitte. Je trouvais que c'était une composante très romanesque», relate le réalisateur, qui a travaillé à partir d'un scénario rédigé par l'historien et documentariste Patrick Rotman.

Nombreuses sources

Les deux hommes n'ont pas eu à chercher trop loin pour trouver le matériel requis pour reconstituer la vie du président puisque les images et les écrits à son sujet abondent.

«Il y a tellement de matériel disponible sur sa vie que l'on peut presque reconstituer les événements au jour le jour... Au nom de la transparence, Nicolas Sarkozy a été surmédiatisé, starisé, pipolarisé. Il a reçu un traitement médiatique plus important que celui d'un rock star», souligne M. Durringer, qui verrait mal le président se rebiffer à l'idée d'être au coeur d'une oeuvre de fiction.

«Quand on se retrouve tous les soirs à la télévision et que deux ou trois caméras filment constamment nos moindres actions, il faudrait être culotté, au moment où quelqu'un veut faire un film, de dire que ça ne se fait pas», souligne-t-il.

Le réalisateur affirme que l'équipe de tournage n'a pas subi de pressions de la part de l'entourage du président, habituellement très sourcilleux sur son image médiatique. «On n'a pas contacté l'Élysée et ils ne nous ont pas contactés. Cela dit, nous avons fait toute la scénarisation et le tournage de la manière la plus discrète possible», relate-t-il.

Craintes

Ce qui n'a pas empêché nombre de chaînes de refuser catégoriquement toute participation au montage financier. Seule Canal Plus, une chaîne cryptée, a finalement accepté. «Il y a des peurs de partout. Il y a des gens qui n'ont pas envie de sauter de leurs postes», souligne M. Darringer.

L'un des producteurs du film, Eric Altmayer, expliquait récemment à l'Agence France-Presse que le film a longtemps été considéré comme une «patate chaude» dans le milieu. «Chacun se renvoie la balle. Et cette douce autocensure explique pourquoi, en France, il n'y a jamais de films abordant la politique», a-t-il déclaré.

Le réalisateur ne se préoccupe pas trop de savoir si le chef d'État va l'apprécier. «Il y a des passages qui vont lui plaire, d'autres qui vont lui déplaire terriblement, dit-il. Je n'ai pas fait un film manichéen, mais un film qui cherche à trouver le juste milieu des choses.»