Nicolas Sarkozy va imposer aux entreprises françaises de plus de 50 salariés le versement d'une prime à leurs employés si elles augmentent leurs dividendes, marquant un recentrage de son discours sur les questions sociales à un an de l'élection présidentielle de 2012.

Au plus bas dans les sondages, régulièrement critiqué pour avoir failli à sa promesse électorale d'être «le président du pouvoir d'achat», Nicolas Sarkozy tente de renouer avec un électorat populaire qui avait largement contribué à sa victoire en 2007.

«Dans notre pays, les actionnaires captent une part très importante des profits», a déclaré jeudi l'un des proches du chef de l'État, le ministre du Travail Xavier Bertrand pour justifier l'instauration de la prime. «Si l'entreprise réalise des profits, n'est-ce pas aussi grâce aux salariés ?», a-t-il interrogé sur la radio Europe 1.

Le ministre a précisé que la prime concernait potentiellement «30000 entreprises et huit millions de salariés».

Mardi, Nicolas Sarkozy avait défendu cette mesure devant des ouvriers dans les Ardennes, un département frappé par le chômage et la crise industrielle.

«Le partage de la valeur, j'y tiens parce que c'est une question de justice», avait insisté le président français. «J'affirme qu'il est normal que les salariés et les ouvriers à qui on a demandé des efforts pendant la crise bénéficient de la reprise, c'est un principe sur lequel je ne cèderai pas», avait-il ajouté.

C'est dans cette même région qu'en 2006, il avait prononcé un discours resté célèbre sur «la France qui se lève tôt». Alors candidat, il avait aussi évoqué «la France qui souffre» et qui vote pour le Front national (extrême droite).

Mais quatre ans plus tard et malgré le durcissement du discours sur la sécurité et l'immigration, thèmes martelés par Nicolas Sarkozy et son entourage depuis plus de six mois, cet électorat semble lui tourner le dos.

À un an tout juste de la présidentielle du printemps 2012, le chef de l'Etat est largement concurrencé par la nouvelle présidente du FN, Marine Le Pen.

Selon un sondage publié jeudi dans le Parisien, elle se qualifierait pour le second tour de l'élection quel que soit le candidat socialiste. Nicolas Sarkozy serait éliminé dès le premier tour dans trois cas sur quatre, selon cette enquête Harris Interactive.

Le gouvernement souhaite que cette prime en faveur des salariés soit versée «dès cette année», et que la loi soit ainsi votée «avant l'été».

Mais le projet a alimenté un vif débat depuis plusieurs jours, mécontentant à la fois patronat et syndicats. L'organisation patronale Medef a fustigé une «mauvaise mesure», y voyant «une complication de plus» pour les entreprises qui créent de l'emploi.

Les syndicats quant à eux soulignent qu'elle ne concerne qu'une partie des salariés et exclut notamment les 5,2 millions de fonctionnaires, dont les traitements sont gelés.

C'est «une catastrophe, en particulier pour les salariés des petites entreprises», alors que «le patronat s'en sort bien», a estimé François Chérèque, secrétaire général de la CFDT (réformiste).

«Il y a un réel problème du pouvoir d'achat en France auquel le président de la République, par l'improvisation et les tentatives électoralistes, tente de répondre par des annonces qui évoluent de jour en jour», a renchéri une responsable de la CGT (gauche).

Si le gouvernement avait un temps évoqué une prime d'«au moins 1000 euros», aucun montant obligatoire n'a finalement été retenu. La somme de 1 000 euros pourrait correspondre au contraire à un plafond au-delà duquel l'entreprise devrait payer des charges, selon le ministre du Budget François Baroin.