Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a pour la première fois samedi proposé un dialogue aux mouvements islamistes dans le monde arabe dès lors qu'ils appliquent les règles du jeu démocratique et refusent toute violence.

«Nous devons parler, échanger nos idées avec tous ceux qui respectent les règles du jeu démocratique et bien sûr le principe fondamental du refus de toute violence», a-t-il déclaré en clôturant un colloque sur «Le printemps arabe», organisé par son ministère à l'Institut du monde arabe à Paris.

«Ce dialogue, je souhaite qu'il s'ouvre sans complexe avec les courants islamiques dès lors que les principes que je viens d'évoquer, les règles du jeu démocratique, sont respectés», a ajouté le ministre.

Selon une source diplomatique, cette prise de position d'Alain Juppé, qui voulait parler de courants «islamistes» et non islamiques, est radicalement nouvelle pour la politique de la France à l'égard du monde arabe. «La France est ouverte au dialogue avec tous les acteurs du jeu démocratique» dans les pays en révolution, a précisé ce diplomate.

À propos d'intervenants égyptien et tunisien, membres du parti islamiste Ennahda, qui ont déclaré que les islamistes allaient «surprendre» l'Occident par leurs prises de positions en faveur de la démocratie et réclamé une «légalité totale» pour leur mouvement, Alain Juppé a répondu: «Chiche !"

«Surprenez-nous, je ne demande que cela. Nous allons nous aussi vous surprendre. Parce que nous ne sommes pas du tout dans une disposition d'esprit qui consiste à stigmatiser le monde musulman ou la religion musulmane mais bien au contraire de dialoguer avec elle. Je vais vous faire une proposition: parlons ensemble de ce que c'est que la laïcité», a lancé Alain Juppé.

«Peut-être pourrons-nous nous retrouver sur un terrain commun», a-t-il précisé.

Un peu plus tôt, Mohamed Ben Salem, membre du parti tunisien Ennahda, avait indiqué que son mouvement avait exigé «une parité des listes entre hommes et femmes» aux prochaines élections. «Nous allons surprendre», a-t-il ajouté.

«Nous sommes pour la démocratie, pour les libertés publiques et privées» et «toutes les familles islamiques sont désormais convaincues d'accepter la démocratie», a assuré Mohamed Ben Salem.

Se présentant comme un Frère musulman, Mohamed Affan, du parti égyptien Ennahda, avait fait valoir qu'«il ne pouvait y avoir de système politique démocratique sans participation des islamistes». «Nous voulons que le mouvement des Frères musulmans ait sa légalité totale, de manière à assurer une transparence complète et éviter les malentendus», a-t-il précisé.

Comme son homologue tunisien, Mohamed Affan a appelé à assurer au sein du mouvement des Frères musulmans «les pleins pouvoirs à la femme et à la jeunesse». «Il faut que les jeunes conservent leur enthousiasme», a renchéri Mohamed Ben Salem.