Le débat sur la place des musulmans dans la société française connaissait mardi une nouvelle poussée de fièvre, avec une polémique sur des propos du ministre de l'Intérieur Claude Guéant et une conférence hautement controversée du parti présidentiel UMP sur la laïcité.

Accusé depuis sa nomination au gouvernement, le 27 janvier, de chasser sur les terres d'une extrême droite de plus en plus puissante, Claude Guéant a déclenché les passions par des commentaires sur le nombre des musulmans en France.

« C'est vrai que l'accroissement du nombre des fidèles de cette religion (l'islam), un certain nombre de comportements, posent problème », a-t-il déclaré lundi. Le ministre a rappelé que la loi sur la laïcité en France datait de 1905, lorsque le pays comptait « très peu de musulmans », alors que leur nombre est estimé entre cinq et six millions aujourd'hui.

L'association SOS Racisme a annoncé qu'elle allait porter plainte contre Claude Guéant qui, avant de siéger au gouvernement, était le plus proche collaborateur du président Nicolas Sarkozy à l'Élysée. Et la gauche se déchaînait mardi contre les propos du ministre de l'Intérieur.

« À chaque fois que Claude Guéant s'exprime depuis qu'il est ministre de l'Intérieur, il y a polémique », a affirmé le député socialiste François Hollande. Son collègue, Jean-Christophe Camdadelis, a vu un « tournant délirant » dans ses dernières déclarations.

À la mi-mars, Claude Guéant avait indigné la gauche en affirmant que les Français « ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux », à cause de l'immigration.

L'opposition reproche au camp de Nicolas Sarkozy de chercher à séduire les sympathisants de l'extrême droite, qui vient de réaliser une percée aux élections locales les 20 et 27 mars derniers et dont la chef, Marine Le Pen, menace de troubler le jeu à l'élection présidentielle du printemps 2012.

Après avoir succédé à la mi-janvier à son père, Jean-Marie Le Pen, elle a placé le discours de son parti, le Front national (FN), dans la mouvance de l'extrême droite européenne, en l'axant sur la place de l'islam dans les sociétés.

Elle s'est ainsi attaquée aux musulmans qui, faute de salles adéquates, prient dans les rues d'un petit nombre de villes en France.

Cette thématique est également reprise par la droite traditionnelle. Le gouvernement devrait prendre des mesures « dans les prochains jours » sur cette question, a ainsi annoncé Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP.

Le responsable du parti présidentiel organisait mardi en fin de journée une « convention » sur la laïcité qui fait débat depuis plusieurs semaines, y compris au sein de la majorité de droite.

Le Premier ministre François Fillon, qui a fait savoir par des proches qu'il était réservé sur son opportunité, n'y assistera pas. Fin février, il avait estimé qu'il fallait prendre garde à ne pas « stigmatiser les musulmans ».

Les responsables musulmans devaient boycotter la réunion, et l'Église catholique n'envoyer qu'un observateur. Le cardinal de Paris, André Vingt-Trois, a estimé que le débat était porteur des risques d'« aventures les plus extrémistes ».

Jean-François Copé devait néanmoins annoncer, pendant sa convention, 26 « propositions » visant à maintenir une stricte séparation entre les religions et la sphère publique.

L'UMP propose par exemple d'interdire de récuser un agent du service public en raison de son sexe ou de sa religion. Cette proposition vise notamment l'hôpital où « des femmes, souvent sous la pression de leurs époux, refusent de se faire soigner par un médecin homme », a rappelé Jean-François Copé.

Il a ajouté qu'il déposerait prochainement à l'Assemblée nationale un projet de résolution parlementaire, un texte non contraignant qui rappellera solennellement les grands principes de la laïcité.