Sans véritable gouvernement depuis les dernières élections il y a 249 jours, la Belgique a égalé jeudi le record mondial de la plus longue crise politique détenu par l'Irak, un évènement célébré avec ironie par une «révolution de la frite» festive dans le pays.

Des manifestations ludiques ont rassemblé quelque 5000 jeunes dans les principales villes universitaires du royaume, selon une fédération étudiante.

A Bruxelles, un millier d'étudiants se sont rassemblés devant le Palais de Justice de la ville, où des dégustations de frites et de bières étaient organisées, afin de plaider en faveur de l'unité de la Belgique, menacée par les dissensions entre Flamands et francophones.

La frite, symbole national, a également été au centre d'un rassemblement qui s'est tenu à Louvain, épicentre en 1968 d'un des moments fondateurs du mouvement autonomiste flamand.

Alors qu'à l'époque les facultés francophones avaient dû quitter la ville sous les cris «les Wallons dehors», les étudiants de 2011 ont patiemment fait la file pour des cornets de frites nappés de mayonnaise offerts à l'initiative d'étudiants opposés au séparatisme.

«Nous voulons montrer à nos camarades wallons que nous sommes contre la logique séparatiste. Flamands et francophones, nous avons les mêmes problèmes socio-économiques», a expliqué Günter Kathagen, 23 ans, l'un des organisateurs.

Sur le campus de Louvain-la-Neuve, créé en Wallonie francophone après 1968, ainsi qu'à Liège (sud-est), des «flash mobs» ont été organisées dans une ambiance festive.

Raison de la mobilisation: le pays a égalé jeudi le record du monde de la plus longue crise politique, 249 jours, jusqu'ici détenu par l'Irak.

Depuis les élections du 13 juin 2010, il n'a pas réussi à former un véritable gouvernement, faute pour les Flamands et francophones de s'entendre sur un avenir commun. Les premiers réclament une autonomie régionale très renforcée, que leur refusent les seconds.

A Gand (nord-ouest), une petite centaine de personnes se sont presque entièrement déshabillées pour protester contre l'impasse politique.

«J'enlève mes vêtements pour dire aux politiciens +Faites quelque chose qui puisse nous rendre notre fierté. Je n'ai rien à cacher. Ils doivent montrer le même courage», a expliqué à l'AFP Frea Van Craeynest.

Alors qu'une fête se poursuivait en début de soirée en présence de quelques milliers de personnes, une vingtaine de militants du parti d'extrême droite Vlaams Belang sont arrivés en arborant des drapeaux frappés du lion noir sur fond jaune, le symbole de la Flandre.

«Ces 249 jours, c'est la preuve que rien ne marche plus en Belgique. La solution, c'est la Flandre indépendante», a déclaré à l'AFP l'un de ces contre-manifestants, le député régional Johan Deckmyn.

S'il avait fallu aux Irakiens 249 jours pour parvenir l'an dernier à un accord de partage du pouvoir entre Kurdes, sunnites et chiites, Flamands et francophones en sont toujours très loin.

Le dernier médiateur nommé par le roi Albert II, le libéral francophone Didier Reynders, n'a même pas pour tâche de tenter de former enfin un vrai gouvernement, mais uniquement d'examiner «les possibilités d'arriver» à un accord institutionnel.

En attendant, le pays continue à être dirigé par un cabinet chargé d'expédier les affaires courantes.

Le Premier ministre sortant, le chrétien-démocrate flamand Yves Leterme, a reconnu que ce record était «mauvais pour l'image du pays». Il a plaidé pour un retour du sens du compromis, mais également répété qu'il fallait une réforme des institutions.

Un professeur de droit de Harvard, Robert Mnookin, a quant à lui suggéré jeudi d'envoyer à Bruxelles le Prix Nobel de la Paix finlandais Martti Ahtisaari pour tenter de rapprocher les points de vue.