La Serbie a demandé mercredi devant le Conseil de sécurité de l'ONU la création d'une commission d'enquête mandatée par le Conseil sur les accusations de trafic d'organes auxquels se seraient livrés de hauts responsables du Kosovo.

Le ministre des Affaires étrangères serbe, Vuk Jeremic, a estimé nécessaire «une enquête criminelle indépendante» et appelé le Conseil de sécurité à créer «un mécanisme d'enquête ad hoc» qui serait responsable devant lui.

«Pour que justice soit rendue, une enquête criminelle indépendante sur ces accusations est essentielle», a déclaré devant le Conseil le représentant de la Serbie, qui ne reconnaît pas l'indépendance de son ancienne province, proclamée en 2008.

«Nous pensons que l'enquête doit être menée sous les auspices du Conseil de sécurité», a ajouté le ministre lors d'un point de presse, soulignant que la Mission européenne de police et de justice au Kosovo (Eulex) n'était pas qualifiée car elle n'avait pas mandat pour enquêter en dehors du Kosovo.

M. Jeremic a affirmé que le Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi, avait été le chef du groupe chargé du trafic d'organes, entouré d'autres hauts responsables kosovars.

Il a déclaré que des civils étaient kidnappés par des membres de l'armée de libération du Kosovo (ALK) puis envoyés dans des centres de détention secrets en Albanie où beaucoup étaient soumis à des opérations forcées avant d'être tués.

L'ambassadeur britannique à l'ONU, Mark Lyall Grant, a indiqué qu'un mandat du Conseil de sécurité n'était pas nécessaire et que la mission Eulex, qui a ouvert «une enquête préliminaire», était compétente.

L'ambassadeur de France, Gérard Araud, a lui aussi estimé que la mission Eulex suffisait.

«Eulex prend les accusations contenues dans le rapport de Dick Marty très au sérieux (...) Les procureurs d'Eulex ont ouvert une enquête préliminaire, qui représente un premier pas technique», a annoncé Eulex fin janvier.

Dans un rapport adopté le mois dernier à Strasbourg par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), le rapporteur pour les droits de l'homme, Dick Marty, a évoqué un trafic, par des maquisards kosovars, d'organes prélevés sur des prisonniers essentiellement serbes à la fin des années 1990. Ce trafic aurait eu lieu en territoire albanais.

Dans une interview publiée samedi en Slovénie, Dick Marty affirme que les gouvernements occidentaux ont toujours su que des dirigeants du plus haut niveau au Kosovo étaient impliqués dans ce trafic.

«Les pays occidentaux ont toujours su ce qui se passait au Kosovo mais personne n'a jamais rien fait», a dénoncé le parlementaire suisse dans une interview au quotidien slovène Delo.

Le représentant spécial de l'ONU au Kosovo, Lamberto Zannier, a quant à lui déclaré qu'une «enquête devrait être lancée de façon prioritaire dans l'intérêt de tous».

M. Zannier a dit «exhorter tous ceux qui en ont une connaissance pertinente, y compris M. Marty, de mettre à la disposition d'une commission d'enquête compétente toute preuve sans délai».

La ministre en exercice des Affaires étrangères du Kosovo, Mme Vlora Citaku, a souligné que «horrifié, le gouvernement du Kosovo a clairement et fermement rejeté les allégations de M. Marty». «Outre le fait qu'il blesse profondément les sentiments de chaque Kosovar, le rapport (Marty) a aussi de façon regrettable porté tort à notre réputation internationale», a-t-elle dit.

«Le peuple du Kosovo, plus que quiconque, a besoin et demande une enquête, puisque nous n'avons rien à cacher», a-t-elle insisté.