Les Suisses pourront garder leurs armes à la maison en dehors des périodes de service militaire, la majorité des cantons ayant rejeté dimanche une initiative qui voulait mettre fin à cette tradition existant depuis 1874.

Pour que l'initiative passe, elle devait être acceptée par la majorité du peuple et celle des cantons.

L'initiative «Pour la protection face à la violence des armes» a échoué à la majorité des cantons, avec à 16H00 (15H00 GMT) 18 cantons sur 26 ayant rejeté le projet. Seuls Genève, le Jura, Vaud, Neuchâtel, Zurich et Bâle-ville ont dit oui pour l'instant.

L'initiative, présentée notamment par le parti socialiste suisse et le «Groupement pour une Suisse sans armée», exigeait que toutes les armes de service soient dorénavant déposées à l'arsenal, ainsi que la création d'un registre central des armes à feu.

Elle voulait aussi interdire aux hommes se retirant de l'armée de pouvoir garder chez eux leur fusil ou leur arme de service.

«Malgré son échec en votation, l'initiative a contribué à une véritable prise de conscience», a déclaré le parti socialiste suisse.

Amnesty International a également estimé que la Suisse avait «manqué l'occasion de jouer un rôle de pionnier sur la scène internationale en devançant, par la création d'un registre central, les exigences du futur traité international sur le commerce des armes».

«Par leur Non, les citoyennes et citoyens se sont clairement prononcés en faveur de la neutralité et donc de l'armée de milice», s'est en revanche félicité le parti de la droite populaire UDC sur son site internet.

«L'UDC se félicite de la préservation de la liberté et de la responsabilité individuelle des citoyennes et citoyens», a-t-il écrit.

Lancée en 2007, l'initiative faisait suite à divers faits divers lors desquels des personnes ont été tuées avec une arme de service et visait notamment à prévenir la violence conjugale et les suicides. Les défenseurs de l'initiative avaient ainsi souligné que le taux de suicide par armes à feu en Suisse est trois fois plus élevé que dans le reste de l'Europe.

La Fédération des médecins suisses (FMH) a d'ailleurs regretté le rejet de l'initiative, qu'elle considérait comme un enjeu important de santé publique.

Mais l'argument du suicide a été jugé «émotionnel» par les partisans du «Non» à l'initiative, qui ont souligné que l'arme de service à la maison est une tradition suisse.

«Aujourd'hui, la population a démontré que les vraies valeurs suisses telles que la responsabilité individuelle et la liberté priment encore sur les arguments réducteurs basés sur les peurs, l'émotion et l'insécurité qui émanent de la gauche», ont expliqué les libéraux radicaux.

Le gouvernement suisse, également opposé à l'initiative, avait relevé que les hommes et femmes qui font leur service militaire doivent déjà laisser leurs cartouches à la caserne. Berne arguait aussi que «l'arme personnelle fait partie de la disponibilité de base d'une armée crédible» et est «l'expression de l'attachement et de la confiance liant notre État et ses citoyens».

Car garder son arme de service dans l'armoire familiale fait en quelque sorte partie de la doctrine de défense de la Suisse (environ 200 000 soldats) qui repose sur sa capacité à mobiliser rapidement des milliers de réservistes armés.

Selon le ministère de la Défense, quelque deux millions d'armes à feu circulent ainsi dans la Confédération, une pour un peu plus de trois habitants, et 240 000 armes ne seraient pas enregistrées.