Des défenseurs des droits de l'homme de Biélorussie ont dénoncé lundi des mesures dignes d'une «dictature» prises par le KGB de cette ex-république soviétique, dont le président Alexandre Loukachenko et les autres membres du régime se sont vu imposer le même jour des sanctions de l'UE.

«Les dictatures font taire leurs opposants partout de la même manière», a déclaré à l'AFP Ales Beliatski, directeur de l'ONG de défense des droits de l'homme Viasna, comparant la situation dans ce domaine en Biélorussie avec celle de la Birmanie. La célèbre opposante Aung San Suu Kyi y a vécu sept années assignée à résidence à son domicile de Rangoon, jusqu'en novembre dernier.

En Biélorussie, plusieurs cas inédits d'assignation à résidence surveillée, avec installation d'agents du KGB (services de sécurité) au domicile des opposants, sont apparus ces derniers jours.

Ces sévères mesures sont intervenues à la veille de l'adoption, lundi, par l'UE de sanctions à l'encontre du régime de M. Loukachenko.

Les ministres des Affaires étrangères de l'UE, réunis à Bruxelles, ont décidé d'imposer un gel des avoirs et une interdiction de visas au président de Biélorussie et à 157 de ses proches pour protester contre la répression.

En réaction, le ministère biélorusse des Affaires étrangères a annoncé que les autorités allaient prendre des mesures «adéquates» et «proportionnées» aux sanctions européennes, sans néanmoins préciser lesquelles.

À Minsk, des agents du KGB se sont installés dans l'appartement de l'ex-candidat à la présidentielle, Vladimir Nekliaïev, après sa libération samedi et son assignation à résidence, et chez la journaliste Irina Khalip, également libérée de prison, et épouse du candidat Andreï Sannikov toujours emprisonné.

Outre la présence de membres du KGB à leur domicile, les règles à suivre sous résidence surveillée sont très strictes. M. Nekliaïev n'a ainsi pas le droit de regarder les nouvelles à la télévision, de parler au téléphone ou d'utiliser l'internet, a précisé sa femme Olga.

Ces «mesures d'isolement sont très sérieuses. Même en prison on peut s'abonner aux journaux et nulle part dans la loi il n'est interdit aux hommes de lire les journaux pendant une enquête», relève ainsi Oleg Goulak, président du Comité Helsinki au Bélarus.

M. Beliatski explique que ces mesures sont quasiment sans précédent en Biélorussie. Il ne se souvient ainsi que d'un seul cas similaire de résidence surveillée, remontant à la fin des années 1990.

L'ancienne directrice d'une banque biélorusse, Tamara Vinnikova, arrêtée pour détournement de fonds de grande ampleur en 1997, avait ensuite été assignée à résidence surveillée à la suite d'une forte dégradation de son état de santé. Elle était néanmoins parvenue à échapper à cette situation, trouvant refuge en Grande-Bretagne au printemps 1999. Aujourd'hui, elle vit toujours à Londres.

Au total, cinq ex-candidats de l'opposition à la présidentielle en Biélorussie sont poursuivis, avec une trentaine d'autres opposants, pour «organisation de troubles massifs» à l'ordre public, une infraction passible d'une peine allant jusqu'à 15 ans d'emprisonnement.

M. Nekliaïev, blessé par la police, avait été arrêté dans la nuit électorale du 19 au 20 décembre dans sa chambre d'hôpital. Irina Khalip avait également été arrêtée, après avoir été frappée, au cours de cette nuit, et encourt la même peine.

Le président de la Biélorussie, au pouvoir depuis 16 ans, a sans surprise été réélu avec environ 80% des voix à l'issue d'un scrutin marqué par des fraudes, selon les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).