Pénuries alimentaires et liberté d'expression, ouverture au monde et intervention militaire contre ses propres républiques: une exposition à Moscou retrace avec 300 photos la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, qui a des regrets à la veille de ses 80 ans.

L'exposition organisée au Manège, près du Kremlin, rappelle les évènements historiques de cette époque de 1986-1991: la chute du mur de Berlin, le retrait des troupes russes d'Afghanistan, la rencontre historique de Gorbatchev avec Ronald Reagan ou le putsch de 1991 qui a sonné le glas de l'Union soviétique.

Mais les visiteurs s'attardent devant un cliché datant de 1953 de Gorbatchev, avec un chapeau qui le fait ressembler à un acteur d'Hollywood, juste avant son mariage avec Raïssa. On y devine à peine l'homme politique mondialement connu qui fêtera ses 80 ans le 2 mars.

«Aucune autre époque n'a apporté autant d'espoirs que la perestroïka. Elle était aussi dramatique, comme toute époque de changements», résume Irina Gorbatcheva, fille de Mikhaïl Gorbatchev et vice-présidente de sa fondation.

Les étalages des magasins sont vides. Le numéro 196 écrit sur la main d'un homme indique sa place dans la file d'attente pour acheter de la viande.

Des jeunes ne s'habillent et ne se coiffent plus «à la soviétique», les films et livres interdits sont enfin accessibles et l'art alternatif s'épanouit.

Les symboles communistes sont détournés. Un drapeau rouge à faucille et marteau sert désormais à couvrir des jeunes beautés qui posent à moitié nues pour Playboy.

D'autres clichés rappellent des drames sanglants: des chars soviétiques en Lituanie ou la répression d'une manifestation pacifique en Géorgie pour stopper les élans indépendantistes. Ou la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la tragédie cachée par le pouvoir pendant des jours, qui contribua à la contamination de centaines de milliers de personnes.

«Bien sûr que j'ai des regrets, de grosses erreurs ont été commises et on n'a pas réussi à mener à bien» la perestroïka, a déclaré M. Gorbatchev à l'AFP en inaugurant l'exposition.

Il a une nouvelle fois critiqué les restrictions des libertés dans la Russie d'aujourd'hui jugeant que le pays avait actuellement «davantage besoin de la liberté d'expression» qu'à l'époque où il était au pouvoir.

Détracteurs et partisans du prix Nobel de la paix, plus populaire en Occident que chez lui, les visiteurs ont dit à l'AFP être venus à l'exposition pour «revivre une époque historique» aujourd'hui révolue.

La perestroïka est «un morceau important de ma vie, un moment inoubliable», dit Vera Chtchoukina, 58 ans venue de Iaroslavl (300 km à nord-est de Moscou).

«Gorbatchev a totalement changé le pays, son rôle est énorme», estimé Vladimir Petropavlovski, un économiste de 57 ans.

«Certes, on en avait marre du communisme et de la stagnation, mais il aurait dû s'y prendre autrement. Le capitalisme qui a suivi était trop sauvage», estime la retraitée Tatiana Krasnova qui a dû abandonner ses recherches scientifiques dans les années 1990 et vendre des vêtements au marché pour nourrir ses enfants.

«Sa politique était nulle, mais son grand amour pour Raïssa mérite beaucoup de respect. C'est un cas unique pour notre pays», poursuit-elle.

Raïssa Gorbatcheva, décédée d'un cancer en 1999, était une première dame hors pair pour la Russie, élégante et suivant partout son mari.

Plusieurs clichés de cérémonies officielles les montrent ensemble, notamment une photo où le Premier ministre britannique Margaret Thatcher regarde avec attention la coupe du tailleur de Raïssa.