Du Suédois Jimmie Aakesson à la Française Marine Le Pen, l'extrême droite prend un nouveau visage en Europe pour se distancier du passé et, avec un discours identitaire de rejet de l'islam, engranger les succès électoraux voire influer au niveau gouvernemental.

«Nous assistons à une tentative, par une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques d'extrême droite, de se distinguer des vieilles rhétoriques de style fasciste et de l'antisémitisme», observe Matthew Goodwin, chercheur au centre de réflexion britannique Chatham House.

«Aujourd'hui, nous sommes différents et les électeurs le voient», assure Jimmie Aakesson, 31 ans, dont le parti (les Démocrates de Suède, qui arboraient jadis des uniformes nazis) a fait en septembre 2010 son entrée au Parlement suédois.

Ce faisant, «cette nouvelle extrême droite développe un discours identitaire à caractère ethnique pour se mettre en phase avec les problèmes de société du moment», juge Magali Balent, chercheuse à la Fondation Robert Schuman.

La Française Marine Le Pen, 42 ans, est favorite pour succéder cette semaine à son père Jean-Marie Le Pen, 82 ans, président du Front National depuis sa création en 1972.

Même si elle a récemment fait scandale en comparant les quartiers musulmans en France à l'occupation nazie, Marine Le Pen «préfère se démarquer des thèmes du passé comme la nostalgie du troisième Reich» pour développer le rejet de l'Union européenne et une rhétorique identitaire, relève Magali Balent.

Une stratégie reprise par le FPÖ autrichien, dont l'homme fort Heinz-Christian Strache, 41 ans, fait campagne avec des morceaux de rap contre l'emprise de Bruxelles ou des slogans comme «pas de minarets, mais des clochers».

Favorable à un impôt sur les foulards, son homologue néerlandais Geert Wilders, 47 ans, souhaite l'interdiction du Coran, qu'il compare au Mein Kampf d'Adolf Hitler.

En Europe de l'Est, relève Magali Balent, les partis d'extrême droite n'ont eu eux «aucun mal à exploiter les cicatrices de l'histoire» causées au sentiment national par le joug soviétique et l'hostilité aux minorités ethniques «toujours très présente».

En témoignent les diatribes anti-Roms du Hongrois Gabor Vona, 32 ans, à la tête du Jobbik, ou en Bulgarie du leader du parti Ataka, Volen Siderov, 54 ans.

Aux élections européennes de juin 2009, l'extrême droite a dépassé les 5% dans 13 des 27 États de l'UE (Pays-Bas, Belgique, Danemark, Hongrie, Autriche, Bulgarie, Italie, Finlande, Roumanie, Grèce, France, Royaume-Uni et Slovaquie).

En Italie, le parti anti-immigrés de la Ligue du Nord participe au gouvernement en fidèle allié de Silvio Berlusconi. Et l'extrême droite soutient des gouvernements minoritaires aux Pays-Bas, où le PVV de Geert Wilders a terminé troisième des législatives de 2010, et au Danemark, où le Parti du Peuple danois est depuis 2001 l'allié de la droite conservatrice au gouvernement.

Autre parti populiste, en Suisse, l'Union Démocratique du Centre (UDC, 29% des suffrages aux élections de 2007) s'est renforcée en emportant les référendums «anti-minarets» en 2009 et pour l'expulsion des délinquants étrangers en 2010.

Pour Magali Balent, cette poussée va au-delà de la crise socio-économique.

«C'est un mouvement identitaire de réaction au processus d'ouverture des frontières à l'échelle internationale, qui fragilise les souverainetés et les identités nationales», dit-elle.

Pour le contenir, les partis traditionnels ne doivent pas hésiter à s'emparer des questions que monopolise actuellement l'extrême droite pour y apporter d'autres réponses, juge-t-elle.

Et de citer l'exemple des incertitudes sur la candidature turque à l'UE, qui «ouvrent un boulevard à l'extrême droite».