Deux ressortissants allemands qui vivent en France depuis plus de 30 ans risquent d'être renvoyés sous peu dans leur pays d'origine en raison de leur rôle supposé dans des attentats terroristes perpétrés au milieu des années 70.

Le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative française, a validé en décembre dernier le décret d'extradition produit par le gouvernement à la demande de Berlin contre Christian Gauger et Sonja Suder, âgés de 69 et 77 ans.

Le verdict est vivement contesté par leur avocate, Irène Terrel, qui espère faire bloquer son application par la Cour européenne des droits de l'homme. Elle entend notamment évoquer l'état de santé de Christian Gauger, très affecté par un accident vasculaire cérébral.

«La décision survient 10 ans après le rejet de la première demande d'extradition. Il n'y a pas d'élément nouveau», a dit Me Terrel à La Presse.

Les autorités allemandes reprochent au couple d'avoir contribué à l'organisation de deux attentats contre des cibles industrielles en 1977 à titre de membres des Cellules révolutionnaires, un groupe d'extrême gauche. Sonja Suder est aussi accusée, sur la base des déclarations d'un repenti, d'avoir contribué à une prise d'otages à Vienne en 1975. Selon Me Terrel, le repenti s'est depuis rétracté, laissant le dossier «vide» de preuves.

Le couple avait décidé de quitter l'Allemagne en 1978 pour s'établir sous une fausse identité dans un quartier populaire de Lille. Vivant chichement, ils sont passés inaperçus jusqu'à leur arrestation à Paris, en 2000.

La justice française a alors refusé de les extrader pour cause de prescription, mais l'activation d'une nouvelle convention d'extradition permet aux autorités allemandes de présenter une seconde demande quelques années plus tard.

Au dire de Me Terrel, la convention en question comporte, à la demande de la France, des clauses limitatives sur l'âge et l'état de santé des personnes ciblées qui devraient suffire à bloquer l'extradition.

Le cas de Cesare Battisti

La décision du Conseil d'État survient alors que la polémique fait rage sur le sort de Cesare Battisti, ex-militant d'extrême gauche qui a longtemps vécu en France avant de s'enfuir au Brésil en 2004 pour éviter l'extradition vers l'Italie.

Le président sortant du pays, Luiz Iñacio Lula da Silva, a annoncé il y a quelques semaines, au dernier jour de son mandat, qu'il refusait d'extrader le ressortissant italien, déjà condamné par contumace pour son rôle présumé dans quatre homicides survenus dans les années 70.

Le refus de l'extradition, dénoncé comme une «gifle» par le gouvernement italien de Silvio Berlusconi, a réjoui plusieurs intellectuels français qui avaient soutenu M. Battisti durant son séjour en France, dont Bernard-Henri Lévy.

La décision du président sortant, a déclaré M. Lévy, est celle «d'un homme qui a pris le temps de se plonger dans le dossier, de vérifier ses nombreuses irrégularités et de prendre la mesure de sa dimension exagérément passionnelle». L'écrivaine Fred Vargas s'est aussi réjouie publiquement du refus brésilien.

Irène Terrel, qui a représenté M. Battisti pendant qu'il vivait en France, affirme avoir accueilli avec «soulagement» la décision du Brésil.

«Je me suis toujours battue contre son extradition», a souligné l'avocate, qui insiste sur le fait que le ressortissant italien a été condamné, en son absence, à une peine «colossale» pour des actes qu'il a toujours niés.

Il faut savoir, 30 ans après les faits, «lâcher le regard judiciaire et ouvrir le livre d'histoire», conclut Me Terrel, qui demande le même traitement pour Christian Gauger et Sonja Suder.