Exit cendriers et nuages de fumée. Les Espagnols ont dû renoncer dimanche à une habitude bien ancrée: fumer une cigarette au bar ou au restaurant, avec l'entrée en vigueur d'une loi anti-tabac parmi les plus strictes en Europe.

Après un sursis de 24 heures pour les festivités du Nouvel an, la loi entrée en vigueur le 2 janvier interdit de fumer dans les bars, les restaurants, les aires de jeux pour enfants et les zones en extérieur des enceintes scolaires et hospitalières.

«On a appliqué la nouvelle loi dès minuit, je n'ai jamais fumé de ma vie, je suis ravi, ils auraient dû faire cette loi il y a 50 ans», explique à l'AFP Teodoro Escribano, 61 ans, patron du Café del Almirante, dans le centre de Madrid.

«C'est bon pour notre santé, pour la santé de tout le monde», ajoute-t-il, derrière le comptoir de son bar, qui était, avant dimanche, toujours rempli d'un épais nuage de fumée, du matin jusqu'au soir.

«Je suis très content, je ne fume pas, je peux enfin respirer», assure, tout sourire, Luis Alvarez, 48 ans, employé d'un théâtre voisin et client habituel du bar de Teodoro.

Mais la pilule est plus difficile à avaler pour les fumeurs -près de 30% de la population espagnole, selon le ministère de la Santé-, dans un pays où fumer une cigarette avec une bière ou un café au lait semblait jusqu'à présent un droit inaliénable.

«Je suis fumeuse, c'est très dur pour moi. D'habitude, avec mon petit déjeuner, je prenais une cigarette, maintenant je vais devoir la fumer dehors», confie, l'air dépité, Rosa Atienzo, 58 ans, devant un café au lait et des churros.

Dès minuit, les bars étaient tenus d'appliquer la nouvelle législation, l'une des plus strictes en Europe, qui survient près de sept ans après les mesures historiques adoptées en Irlande, premier pays européen à avoir banni le tabac des lieux publics, ensuite imité par plusieurs autres dont la France.

«C'est déjà du passé. On a retiré tous les cendriers», expliquait peu après minuit Elena de Lucia, 22 ans, fumeuse et serveuse au Variety Tavern, un pub du centre de Madrid: «si on regarde les questions de santé, je suis d'accord, mais je pense aussi qu'il devrait y avoir une zone où l'on pourrait fumer».

Les consommateurs ou patrons d'établissement ne respectant pas la nouvelle loi sont passibles d'amendes comprises entre 30 et 600 000 euros.

Premiers concernés, les professionnels de la restauration craignent une baisse de leur chiffre d'affaires d'entre 5 et 10% pour les bars et restaurants et de 15% pour les discothèques, selon la Fédération espagnole de l'hôtellerie (FEHR).

«Je pense que la clientèle va baisser, mais peu à peu les gens s'habitueront», espère le patron du Café El Almirante.

Les médecins applaudissent en revanche la nouvelle loi. Ils espèrent qu'elle encouragera les jeunes à ne pas commencer à fumer, et incitera les fumeurs à arrêter.

«Cette année, les rois mages nous ont fait un beau cadeau avec cette loi», assure José Luis Diaz-Maroto Muñoz, médecin généraliste.

Car actuellement en Espagne, «un patient fumeur meurt toutes les dix minutes, ce qui fait 150 patients par jour, 1000 par semaine et 55 000 par an», ajoute-t-il.

La législation en vigueur jusqu'à présent en Espagne, approuvée en 2006, était l'une des plus permissives du continent, et dans la pratique, la grande majorité des bars et restaurants étaient restés fumeurs.

La loi interdisait déjà en revanche de fumer au travail, dans les transports publics et les magasins.