Le pape Benoît XVI a instauré jeudi une Autorité financière du Vatican pour lutter contre le blanchiment d'argent sale et le financement du terrorisme, trente ans après l'éclosion d'un énorme scandale autour de la banque du Vatican, mêlant mafia, loge maçonnique et CIA.

Cette Autorité d'information financière (AIF) voit le jour dans le cadre d'une loi («motu proprio»), qui devrait permettre à terme au Vatican de se mettre en conformité avec les normes internationales de lutte contre le blanchiment et intégrer «la liste blanche» de l'OCDE et du GAFI.

Dans une «lettre apostolique» exposant les motifs de cette loi, le pape affirme «d'ailleurs approuver l'engagement de la communauté internationale «pour prévenir et lutter contre le phénomène du blanchiment et du financement du terrorisme». «Le Saint-Siège entend faire sienne ces règles», ajoute-t-il.

Pour le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, «cela permettra d'éviter à l'avenir ces erreurs qui deviennent si facilement motif de 'scandale' pour l'opinion publique et pour les fidèles».

«En somme, l'Église sera plus crédible face à la communauté internationale et ses membres», s'est-il réjoui.

La banque du Vatican, l'Institut des Oeuvres religieuses (IOR), a été au centre d'un scandale retentissant dans les années 1980, provoqué par la faillite en 1982 de la banque italienne privée Banco Ambrosiano, dont l'IOR était le principal actionnaire.

À l'époque, «le banquier de Dieu», Mgr Paul Marcinkus, à la tête de l'IOR, avait été mis en cause dans l'enquête sur la faillite de cette banque dont le dirigeant Roberto Calvi avait été retrouvé pendu sous un pont de Londres.

L'enquête avait montré que la banque recyclait l'argent de la mafia sicilienne, en relation avec la loge maçonnique illégale P2 travaillant pour la CIA.

Depuis, une Commission cardinalice de vigilance, présidée par le numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, avait déjà été mise en place.

Mais l'AIF, dont le président sera nommé par le pape, «doit être considérée comme indépendante, elle doit agir de façon autonome», a assuré le père Lombardi, qui y a vu «une réalité nouvelle pour le Vatican».

L'Agence pourra échanger des informations concernant des opérations suspectes avec les autorités d'autres pays.

Outre la création de l'AIF, la loi prévoit des peines pour différents délits: recyclage (jusqu'à 12 ans de réclusion et 15 000 euros d'amende), terrorisme (jusqu'à 15 ans de prison), délit d'initié, contrebande, trafic de drogue.

Elle s'applique à tous les organismes ayant une activité économique ou financière au Vatican: l'IOR et l'APSA, qui gère l'important patrimoine immobilier du Vatican, mais aussi toutes les congrégations et même les commerces présents sur le plus petit État du monde (musées, pharmacies...).

À la mi-septembre, le président de l'IOR, Ettore Gotti Tedeschi, et un autre haut dirigeant avaient été placés sous enquête pour violation d'une nouvelle loi italienne antiblanchiment.

Ces deux responsables ne sont toutefois pas soupçonnés de blanchiment d'argent sale. Il leur est reproché des omissions sur des mouvements de fonds d'un total de 23 millions d'euros, qui sont aujourd'hui gelés par la justice italienne.

Mais le père Lombardi a souligné qu'il n'y avait «aucun rapport direct» entre cette affaire et la promulgation de la loi, qui découle de la mise en oeuvre d'une convention monétaire avec l'Union européenne signée en décembre 2009.