Le premier ministre français François Fillon a refusé de laisser un juge perquisitionner les locaux des services de renseignement à Paris, dans un volet de l'enquête sur l'attentat antifrançais de Karachi en 2002, a-t-on appris lundi de source proche du dossier.

Le juge Renaud van Ruymbeke avait demandé de pouvoir mener une perquisition dans les locaux de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) le 24 novembre, selon cette source.

Le magistrat souhaitait saisir «tout document relatif à l'enquête», comme le contenu d'écoutes téléphoniques réalisées en 1995 sur des membres du cabinet du ministre de la Défense d'alors, François Léotard, selon la même source.

Dans sa réponse au juge datée du 19 novembre, le premier ministre a assuré qu'il demanderait à l'actuel ministre de la Défense, Alain Juppé, sous l'autorité duquel est placée la DGSE, de «prendre sans délai les dispositions nécessaires pour identifier les documents» réclamés par le juge et «engager la procédure de déclassification de ces documents», selon cette source.

Le juge van Ruymbeke mène des investigations sur des soupçons d'entrave à la justice et de faux témoignages, après une plainte des familles de victimes de l'attentat de Karachi du 8 mai 2002. L'attentat avait coûté la vie à 11 Français de la Direction des constructions navales travaillant à la construction de sous-marins vendus par la France au Pakistan en 1994.

L'enquête sur l'attentat lui-même, menée par un autre juge, s'est longtemps focalisée sur Al-Qaïda avant d'être réorientée ces derniers mois vers l'hypothèse de représailles après l'arrêt des versements de commissions françaises dans deux contrats d'armement, dont celui portant sur ces sous-marins.

Les rétro-commissions pakistanaises auraient servi au financement de la campagne pour la présidentielle de 1995 du premier ministre d'alors Édouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy, aujourd'hui président de la République, était le porte-parole et ministre du Budget, selon des témoignages et rapports versés au dossier.

M. Sarkozy a promis samedi que l'État communiquerait tous les documents sur ce dossier «en temps et heure».

Le chef de file des députés socialistes (opposition), Jean-Marc Ayrault, a demandé lundi l'ouverture d'une nouvelle mission d'information sur cette affaire.