La guerre entre les deux ennemis de la droite française Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin est montée d'un cran après l'évocation par ce dernier de soupçons de corruption dans le camp du président sur des contrats d'armement, une affaire qui pourrait être indirectement la cause d'un attentat anti-français à Karachi en 2002.

L'ex-premier ministre a lancé la charge vendredi soir en confirmant l'existence de «très forts soupçons de rétrocommissions» revenant vers des «personnalités, politiques ou non politiques» dans deux contrats d'armement datant de 1994, l'un portant sur des ventes de sous-marins au Pakistan, l'autre de frégates à l'Arabie Saoudite.

 

Les commissions, légales jusqu'à leur interdiction par l'OCDE en 2000, étaient versées aux intermédiaires facilitant la signature de ces contrats. Il pouvait arriver qu'une rétrocommission, illégale, soit prélevée au profit de responsables du pays ayant remporté le contrat.

M. Villepin, qui a réclamé d'être entendu par la justice dès cette semaine, n'a pas cité de noms mais ses soupçons visent le financement de la campagne présidentielle en 1995 du premier ministre français d'alors Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole et ministre du Budget.

Edouard Balladur, soutenu par Nicolas Sarkozy, avait été alors battu au premier tour par son ex-mentor Jacques Chirac dans une bataille fratricide qui allait laisser des traces profondes.

À l'époque, Nicolas Sarkozy entamait une longue traversée du désert, alors que Dominique de Villepin, fidèle chiraquien, devenait secrétaire général de l'Élysée. La haine entre les deux hommes se cristallise à ce moment-là.

Dès son élection, Jacques Chirac a décidé de stopper le versement de commissions afin d'interrompre d'éventuelles rétrocommissions au profit du camp d'Edouard Balladur, qui lui a toujours démenti tout financement illicite de sa campagne.

La justice se demande si l'arrêt du versement de ces commissions n'a pas provoqué en représailles un attentat à Karachi en 2002, qui a coûté la vie à onze Français de la Direction des constructions navales. C'est la thèse des représentants des familles des victimes pour qui «on sent de la panique au plus haut niveau de l'État» après les déclarations de Dominique de Villepin.

La réplique de l'Élysée a en tout cas été immédiate. Son secrétaire général, Claude Guéant, a parlé de «rumeur malveillante» sur le financement d'Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy a dénoncé samedi «des commentaires politiciens qui ne sont vraiment pas à la hauteur de la douleur des familles».

Ce nouvel affrontement entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin n'est qu'un énième avatar de la rivalité qui oppose les deux hommes.

L'épisode le plus vif a eu lieu dans l'affaire Clearstream, une vaste histoire de listings bancaires falsifiés mettant en cause Nicolas Sarkozy, dans laquelle M. de Villepin est poursuivi pour «dénonciation calomnieuse».

Convaincu que ce dernier était au coeur d'un complot pour lui barrer la route de l'Éysée, Nicolas Sarkozy était allé jusqu'à menacer son ennemi de «le pendre à un croc de boucher», selon ce dernier. Dominique de Villepin a été relaxé en première instance mais le parquet a fait appel du jugement.

En attendant un second procès, qui se tiendra en mai 2011, Dominique de Villepin, qui n'exclut pas de se présenter en 2012, a lancé son propre mouvement, République solidaire, tout en restant membre du parti de la majorité.

Surtout, il pilonne consciencieusement la politique menée par le chef de l'État. Dans un récent ouvrage, il se livre encore à une virulente charge contre «l'esprit de cour» régnant à l'Élysée et accuse Nicolas Sarkozy d'être devenu «un problème pour la France».

Des outrances qui lui valent cependant un isolement croissant à droite où ses amis l'abandonnent peu à peu pour devenir ministres de... Nicolas Sarkozy.