Secouée depuis janvier par un vaste scandale de pédophilie, l'Église catholique allemande, dont le pape Benoît XVI est originaire, envisage d'indemniser les centaines de victimes. Reste à savoir qui, comment et combien.

Pour la première fois, le pape réunit vendredi les cardinaux pour évoquer notamment la pédophilie qui touche l'Église dans plusieurs pays.

En Allemagne, la tempête est arrivée en janvier via les Jésuites avec l'annonce par le directeur du collège Canisius à Berlin de multiples cas de violences sexuelles commis par des prêtres dans les années 70 et 80 dans cet établissement prestigieux.

«Trois anciens élèves des années 70 sont venus me voir. De leurs histoires, j'ai conclu qu'un certain prêtre avait sûrement à lui seul abusé de plus d'une centaine d'enfants. Cela semblait systématique», raconte à l'AFP le père Klaus Mertes, qui dirige 850 élèves de 10 à 19 ans. «Plus qu'un soupçon, c'était une forte probabilité. Alors j'ai écrit à 600 anciens élèves et victimes potentielles».

Les révélations ont abondé et le scandale s'est étendu. Les abus de plusieurs prêtres ont été mis au jour au collège Canisius, puis dans divers écoles et internats, et bien au-delà de l'ordre des Jésuites, à Berlin, Bonn, Hanovre, Ratisbonne, Osnabrück, Munich... Des prêtres ont été suspendus.

Une chargée de mission nommée par les Jésuites, Ursula Raue, a rendu en mai un rapport. «À l'époque, il y avait déjà plus de 200 cas» au sein des établissements jésuites, «mais la liste s'est allongée depuis lors», dit-elle à l'AFP.

La justice a ouvert plusieurs enquêtes, mais la majorité des faits sont prescrits et beaucoup de prêtres incriminés sont morts.

Si certains cas ont touché l'Église protestante et des écoles laïques, les catholiques sont en première ligne.

Le chef de la conférence épiscole, l'archevêque Robert Zollitsch, a reconnu que son Église avait «failli» et annoncé en septembre qu'elle était prête à «participer financièrement» pour aider les victimes «à surmonter le passé».

Il a présenté son projet lors d'une table ronde mise en place par le gouvernement pour gérer ce qu'Angela Merkel, chancelière et chef des Unions chrétiennes CDU-CSU, considère comme «un problème de société» dépassant le cadre des Églises.

Le 30 septembre, Mgr Zollitsch a proposé une «aide matérielle reconnaissant la souffrance», au cas par cas, avec la prise en charge possible d'une psychothérapie et la création d'un fonds de prévention. Aucun chiffre n'a été avancé.

«Nous en sommes là, et nous sommes sur la bonne voie», dit Nina Schmedding, porte-parole de la conférence épiscopale.

La presse et certains avocats parlent de 5000 à 10 000 euros par victime. Mgr Zollitsch aurait refusé les 80 000 euros réclamés par une association.

«On ne m'a fait aucune offre officielle. Tout doit être concrétisé via la table ronde», dit à l'AFP l'avocate Manuela Groll, qui représente une quinzaine de plaignants âgés d'une cinquantaine d'années.

Les Jésuites se sont, les premiers, dits prêts à des indemnisations, forfaitaires et «à quatre chiffres». «Des excuses ne suffisent pas. Il faut un geste symbolique pour reconnaître la souffrance», estime le père Mertes.

Pour Me Groll, «il s'agit maintenant de savoir à combien on évalue une vie brisée».

L'Église catholique dit ignorer le nombre de victimes -plusieurs centaines en tout cas- et combien réclameront une compensation. «Pour beaucoup d'entre elles, ce n'est pas une question d'argent», selon Mgr Zollitsch.

Mme Raue confirme: «pour certains, le plus important est une lettre d'excuses».

Ouverte fin mars, une ligne téléphonique d'urgence de l'Église catholique a déjà reçu 3500 appels.