Le gouvernement britannique a annoncé mardi le versement de dommages et intérêts à 16 ex-prisonniers de Guantanamo, qui ont accusé les forces de sécurité britanniques de complicité de torture dans cette prison américaine, mais a rejeté toute culpabilité.

«Le gouvernement est parvenu à un accord négocié sur les demandes de dommages et intérêts faites par des détenus retenus à Guantanamo», a déclaré le ministre britannique de la Justice, Ken Clarke, devant la Chambre des Communes.

Il n'a cependant pas dévoilé le montant des indemnités. Selon la presse, elles pourraient s'élever à plusieurs millions de dollars.

«Il n'y a pas eu de reconnaissance de culpabilité (du gouvernement britannique) dans cette affaire et aucun des requérants n'a retiré ses accusations», a ajouté M. Clarke, refusant de donner plus de détails sur l'accord.

Le gouvernement britannique s'est toujours dit fermement opposé à la torture. Fin octobre, le chef des services secrets britanniques, John Sawers, avait reconnu que ses agents étaient constamment confrontés au «dilemme» du recours à la torture, sans jamais cependant céder à la tentation d'y recourir.

De son côté, l'ancien président américain George W. Bush avait avoué, dans ses mémoires publiés la semaine dernière, avoir donné l'ordre de faire parler des détenus au moyen de la simulation de noyade.

La plupart des 16 anciens prisonniers concernés par les indemnités financières versées par Londres sont des ressortissants ou des résidents britanniques. Parmi eux, figure l'Éthiopien Binyam Mohamed, détenu à Guantanamo pendant plus de quatre ans avant d'être transféré en 2009 en Grande-Bretagne, où il a le statut de résident.

Cet accord a été conclu après des semaines de négociations entre des avocats représentant les anciens prisonniers et les autorités britanniques, et après une longue bataille judiciaire, certains des ex-détenus ayant engagé une procédure judiciaire contre le gouvernement.

Londres a cherché à conclure cet accord pour des raisons financières, a expliqué M. Clarke. Une procédure judiciaire aurait été trop coûteuse, de l'ordre de 30 et 50 millions de livres, a-t-il précisé.

Le gouvernement a aussi voulu éviter une procédure judiciaire, qui aurait pu «compromettre la sécurité nationale», a-t-il ajouté.

En juillet, la Haute Cour britannique avait en effet ordonné la publication, lors d'une audience judiciaire, de milliers de documents secrets relatifs aux cas de plusieurs ex-prisonniers de Guantanamo.

Dans la foulée, le premier ministre David Cameron avait annoncé l'ouverture d'une enquête sur les accusations de complicité de torture des forces britanniques à l'étranger après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Il avait estimé que dans les cas «appropriés», des compensations devraient être proposées aux personnes qui ont engagé des actions en justice pour leur mauvais traitement.

L'accord annoncé mardi doit toutefois permettre l'ouverture d'une enquête indépendante sur les accusations de complicité de torture. Mais cette enquête ne sera pas publique à l'inverse d'une procédure judiciaire, au cours de laquelle des documents qui auraient pu être  compromettants pour Londres et Washington auraient été révélés.

Shami Chakrabarti, responsable de l'organisation britannique de défense des libertés civiles Liberty, a estimé que cet accord pourrait conduire à une «enquête plus large et contribuer à mettre fin au scandale sur la torture».