Le ministère de l'Identité nationale, marqueur du «sarkozysme» depuis 2007 dénoncé comme flirtant avec les thèses de l'extrême droite, a disparu à l'occasion du remaniement du gouvernement français, le portefeuille de l'Immigration étant confié au ministre de l'Intérieur.

Sa création avait indigné partis de gauche et organisations de lutte contre le racisme qui avaient dénoncé un ministère «de la honte», «insultant pour les immigrés», contraire à la «tradition républicaine» de la France et menaçant «la cohésion sociale».

Sa disparition, annoncée lors du remaniement dimanche soir, ne rassure pas vraiment. «Malheureusement au-delà de la disparition du libellé nauséabond de «l'identité nationale», nous craignons que la thématique de l'identité en danger continue de se déployer», a réagi lundi le président de SOS Racisme Dominique Sopo.

Pendant sa campagne, le président Nicolas Sarkozy l'avait répété: «la politique de l'immigration, c'est l'identité nationale de la France dans 30 ans». Mais ce ministère, accolant dans un même intitulé «identité nationale» et «immigration», n'a cessé de générer le malaise y compris dans les rangs de la majorité.

D'abord accusé par la gauche d'organiser les reconduites d'immigrés clandestins à la frontière en faisant un maximum de «chiffre», il a surtout été pourfendu pour avoir libéré la parole raciste à l'occasion du grand «débat sur l'identité nationale» organisé fin 2009-début 2010 par le ministre sortant Éric Besson.

Dans un climat troublé par un questionnement sur la place de l'islam dans la société française, qui compte cinq à six millions de musulmans, cette consultation a donné lieu à plusieurs dérapages au moment où le gouvernement élaborait par ailleurs son projet de loi (depuis adopté) pour bannir la burqa des lieux publics.

Ainsi, la secrétaire d'État sortante à la Famille Nadine Morano, proche du président, avait provoqué un tollé après avoir exigé des jeunes musulmans français qu'ils se sentent français, trouvent un travail et cessent de porter «la casquette à l'envers».

Le maire d'une petite ville de l'est avait lui profité d'un de ces débats pour mettre en garde contre le risque de «se faire bouffer» par les immigrés.

Trois anciens premiers ministres de droite, dont Alain Juppé désormais à la Défense, avaient pris leurs distances. L'actuel porte-parole du gouvernement et ministre du Budget François Baroin avait demandé la suspension d'un débat qui pourrait «flatter les bas instincts». Ce dernier a redit son désaccord lundi sur ce débat finalement enterré par le chef du gouvernement François Fillon en février.

Dans le nouveau gouvernement, le dossier de l'immigration a été confié au ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, un fidèle du président maintenu dans ses fonctions. Une décision qui fait toujours grincer des dents.

En rattachant l'immigration au ministère de l'Intérieur, le gouvernement «fait un lien entre immigration et insécurité», a dénoncé la députée socialiste Sandrine Mazetier.

Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) s'étonne lui du  «maintien de Brice Hortefeux au gouvernement alors même qu'il a été condamné en première instance» en juin pour injure raciale envers des personnes d'origine arabe.

Il avait estimé, lors d'une discussion informelle saisie par un vidéaste, que les Arabes, «c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes».

Incarnation des préoccupations sécuritaires de la majorité, M. Hortefeux a aussi donné une traduction réglementaire à une demande du président Sarkozy de démanteler les camps illicites de Roms, citoyens européens. Son directeur de cabinet a signé cet été une circulaire ciblant expressément cette communauté, ouvrant une crise ouverte avec l'Union européenne (UE).