Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a déclenché une nouvelle polémique mardi avec une blague homophobe, prononcée, selon des experts et ses opposants, dans le but de détourner l'attention du scandale sexuel Ruby et de la grave crise politique que traverse le pays.

«Mieux vaut avoir la passion des belles femmes qu'être gai», a-t-il lancé en visitant le salon de la moto près de Milan, dans le nord de l'Italie, qualifiant le Rubygate qui enflamme la presse italienne depuis plusieurs jours de «tempête de papier».

Une nouvelle fois, il a admis à demi-mot avoir téléphoné à la préfecture de Milan pour faire libérer la jeune Marocaine Ruby, de son vrai nom Karima el Mahroug, accusée de vol, disant avoir agi «par solidarité».

M. Berlusconi, 74 ans, est sur la sellette pour avoir organisé dans sa résidence d'Arcore près de Milan des fêtes en présence de jeunes femmes, rémunérées pour leurs services, dont Ruby, mineure à l'époque.

Ses propos ont provoqué un tollé. L'association de défense des homosexuels Arcigay a réclamé des excuses, critiquant «une remarque gratuite et vulgaire». Le chef de Gaylib, mouvement de gais de droite, Enrico Oliari, traitant M. Berlusconi de «macho», a annoncé qu'il rejoignait les rangs de Futur et Liberté pour l'Italie, formation du dissident de droite Gianfranco Fini.

Au sein du gouvernement, la ministre pour l'égalité hommes-femmes Mara Carfagna, embarrassée, a estimé qu'il valait mieux «s'abstenir» de ce type de déclarations.

Pierluigi Bersani, leader du Parti démocrate, principale force de gauche, a estimé qu'il y avait une «régression morale du pays» sous l'effet de M. Berlusconi, «avec une femme qui est le loisir de l'homme, les homosexuels qu'il faut mépriser et les mineures qu'on sauve de la police pour se sauver soi-même».

Pour Donatella Ferranti, dirigeante du PD, les déclarations du chef du gouvernement sont «non seulement homophobes mais une tentative méprisable de détourner l'attention d'un énième scandale impliquant cette fois une mineure».

C'est aussi l'avis de Marc Lazar, politologue spécialiste de l'Italie: «C'est un dérivatif adressé à sa base électorale la plus conservatrice et traditionnelle et un clin d'oeil implicite aux machos italiens pour cacher une chose bien plus grave: avoir usé de son pouvoir de chef de gouvernement pour faire sortir une jeune fille sous enquête pour vol».

Toutefois, selon lui, malgré ce tollé et le Rubygate avec une enquête pour incitation à la prostitution de mineure visant des proches de M. Berlusconi - son ex-assistante dentaire devenue conseillère régionale, un agent de stars et un ami-présentateur télé -, il n'est en réalité pas prêt de chuter.

Au salon de la moto, il s'est d'ailleurs dit convaincu que son gouvernement «a la majorité et ira de l'avant jusqu'à la fin de la législature» en 2013.

Comme le note Stefano Folli, du journal Il Sole-24 Ore, «le gouvernement Berlusconi est paralysé, virtuellement mort vu la perte de crédibilité de son pilote», mais il est «comme suspendu dans l'air dans l'attente d'un nouveau choc».

«Il n'y a pas de solution de sortie», selon Marc Lazar, car «personne n'a envie d'élections anticipées. Ni Berlusconi et son allié de la Ligue du nord, ni son ex-allié Fini qui n'est pas prêt, ni le centre-gauche, pas prêt non plus».

Pour le politologue, face à l'une des «plus graves crises politiques» de l'histoire italienne, le gouvernement est comme «un bateau qui prend l'eau de toutes parts, un navire sans capitaine».

Dans ce contexte, on entend de plus en plus de critiques venir d'acteurs non politiques comme le patronat (Confindustria) ou l'Eglise avec un article très dur sur M. Berlusconi «malade et incontrôlable» dans Famiglia Cristiana, la publication la plus diffusée d'Italie.