La guérilla islamiste a frappé au coeur du pouvoir tchétchène hier matin. Un commando rebelle a pris d'assaut le parlement de la petite république du Caucase russe, faisant 3 morts et 17 blessés. Le spectaculaire incident vient rappeler que la Tchétchénie, ravagée par deux guerres sanglantes entre 1994 et 2000, n'est jamais vraiment sortie du cycle de la violence.

Lorsque le kamikaze a déclenché sa ceinture d'explosifs à l'entrée du parlement en plein coeur de Grozny, les vitres de l'édifice ont volé en éclats. Tout comme l'illusion de stabilité dans la petite république du Caucase russe.

Malgré la levée du régime antiterroriste au printemps 2009, la capitale tchétchène demeure quadrillée par les forces de l'ordre. N'empêche, les trois, quatre ou cinq combattants rebelles - les sources divergent - ont réussi sans trop de mal à se rendre jusqu'à l'enceinte du parlement, en profitant du passage d'une voiture de députés pour s'infiltrer à sa suite.

Deux policiers assurant la sécurité de l'édifice et un employé du parlement sont morts dans l'explosion du kamikaze. Les autres rebelles seraient alors montés jusqu'au quatrième étage, vraisemblablement dans le but de prendre en otages des députés. Ils ont tous été éliminés durant une longue fusillade avec les forces spéciales russes.

Comme à son habitude, le leader tchétchène Ramzan Kadyrov, qui tient d'une main de fer sa république depuis trois ans et demi, s'est précipité sur les lieux pour placer les opérations sous son contrôle personnel. «Tous les députés sont vivants, ont été évacués du territoire du parlement et sont en sécurité», a-t-il déclaré.

Force de frappe

Selon le ministère de l'Intérieur russe, l'opération aurait été organisée par le chef rebelle Khousseïn Gakaïev. Récemment, Gakaïev et ses hommes se sont dissociés de l'«émir» Dokou Oumarov, jusque-là leader incontesté de la rébellion islamiste qui prône l'instauration d'un émirat dans tout le Caucase du Nord. Depuis, il essayerait de démontrer sa force de frappe.

L'attaque contre le parlement constitue le deuxième affront d'envergure en deux mois à l'égard du régime Kadyrov. Le 30 août, des rebelles s'étaient infiltrés dans son village natal de Tsentoroï, pourtant sous très haute surveillance, tuant six policiers. Gakaïev avait alors revendiqué l'attaque.

Ramzan Kadyrov répète à l'envi que les rebelles ne sont plus qu'une poignée dans le maquis tchétchène. Or, si les chefs islamistes peuvent se permettre de sacrifier des hommes dans des opérations suicide, c'est qu'ils savent qu'ils pourront en convaincre rapidement d'autres de se joindre à la guérilla.

Les candidats sont faciles à trouver. Le régime Kadyrov en a créé lui-même une bonne partie en torturant et en tuant de présumés rebelles, souvent innocents, comme l'ont largement démontré les organisations russes de défense des droits humains.

Pour venger leurs proches ou leurs propres blessures, plusieurs jeunes Tchétchènes en mal d'avenir se laissent séduire par la rhétorique islamiste, perpétuant ainsi le cycle de la violence.

Mais en Tchétchénie, la violence n'émeut plus personne. Même pas les députés. Hier après-midi, quelques heures après l'attaque, ils étaient de retour dans le parlement endommagé pour des discussions sur le budget annuel de la république.