La contestation de la réforme des retraites a atteint mardi en France un niveau de mobilisation record pour les syndicats (3,5 millions de manifestants) comme pour la police (1,2 million) alors que le mouvement pourrait se prolonger par des grèves reconductibles.

Le Premier ministre français, François Fillon, a affirmé à nouveau mardi au Parlement que le gouvernement était «décidé à mener à son terme» la réforme, en dépit d'un mouvement qui s'amplifie et des mises en garde du Parti socialiste contre des «risques d'affrontement».

C'est «la plus forte journée qu'on ait faite depuis le début» de la protestation contre le report de l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans, a affirmé le responsable de la CGT, le principal syndicat en France, Bernard Thibault.

Selon les deux grands syndicats français, CGT et CFDT, 3,5 millions de personnes (500 000 de plus que lors de la précédente journée de manifestation le 23 septembre) se sont mobilisées à travers la France, le ministère de l'Intérieur faisant état de 1,23 million de manifestants (+233 000).

Les trois journées de protestation organisées depuis début septembre avaient rassemblé au maximum entre 1,1 million de personnes (police) et 3 millions (syndicats).

ÀParis, 330 000 personnes ont défilé mardi après-midi selon les syndicats, tandis que la police faisait état de 89 000 manifestants, en forte hausse également par rapport à toutes les manifestations précédentes.

Des milliers de lycéens et étudiants, appelés par les syndicats à se mobiliser massivement, faisaient partie du cortège. François Fillon a d'ailleurs accusé l'opposition de gauche d'être «irresponsable» en mettant «des jeunes de 15 ans dans la rue».

«Les jeunes, lorsqu'ils défilent aujourd'hui, défilent contre eux-mêmes», a jugé le ministre du Travail, Eric Woerth.

Parallèlement, la grève était largement suivie mardi dans deux secteurs stratégiques: les transports et l'énergie.

La Société nationale des chemins de fer (SNCF) dénombrait 40% de grévistes et seulement un train à grande vitesse sur trois circulait entre Paris et la province. Côté transports aériens, 30% des vols étaient annulés à l'aéroport de Roissy, le principal aéroport parisien, et 50% à celui d'Orly, près de Paris.

Onze des douze raffineries françaises étaient en grève, sans perturber l'approvisionnement en carburant.

Cette journée pourrait marquer un tournant dans le bras de fer entre le pouvoir et les syndicats car la poursuite des grèves et des manifestations est à l'ordre du jour.

Les grévistes des transports parisiens ont déjà voté la reconduction pour mercredi et la SNCF prévoit pour mercredi un trafic identique à mardi. Des assemblées générales vont avoir lieu dans les entreprises en grève mercredi.

Dans des villes de province, les syndicats ont appelé à de nouveaux défilés jeudi.

Les grèves reconductibles pourraient durer jusqu'à la nouvelle grande journée de manifestations prévue samedi, sachant que deux tiers des Français sont favorables à un renforcement des actions, selon un sondage.

«On est un des rares pays où il peut y avoir quatre manifestations avec deux ou trois millions de personnes dans les rues sans que le gouvernement ne dise rien», a commenté François Chérèque, dirigeant de la CFDT.

La patronne du PS (Parti socialiste), Martine Aubry, a dénoncé l'«entêtement» du gouvernement «qui ne mène nulle part, sauf à des risques d'affrontement». «On ne réforme pas les retraites contre les Français», a-t-elle estimé.

Mais le Premier ministre a répété mardi que le gouvernement était «au bout de ce qui est possible» en terme de concessions, après des aménagements en faveur de certaines mères de famille, des carrières longues ou des emplois pénibles.

Le Sénat a voté lundi l'une des mesures clés de la réforme, le report de l'âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Il prévoit d'achever à la fin de la semaine l'examen du texte, qui devrait être adopté définitivement par le Parlement d'ici à la fin du mois.