La justice canadienne s'est retrouvée hier après-midi au centre des débats lors de la commémoration solennelle du 30e anniversaire de l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, commis le 3 octobre 1980. Une charge de 10 kg de pentrite fixée à une moto avait explosé à 18h38 à 15 mètres de l'entrée de la synagogue et avait fait 4 morts et une trentaine de blessés graves. C'était le premier d'une série d'attentats commis en France contre la communauté juive ou d'inspiration islamiste.

Aujourd'hui, la justice française attend avec impatience que les juges canadiens statuent sur la demande d'extradition du Canado-Libanais Hassan Diab, professeur de sociologie de 56 ans, soupçonné d'être le principal auteur du massacre. C'est lui qui, sous une fausse identité chypriote, aurait acheté la moto qui portait la charge explosive.

Arrêté en novembre 2008 à la demande des autorités françaises, Hassan Diab, qui crie son innocence et se dit victime d'une homonymie, a passé cinq mois en prison avant d'être mis en liberté conditionnelle assortie d'un contrôle judiciaire très strict: bracelet électronique, couvre-feu. Le 8 novembre prochain, les tribunaux canadiens doivent se prononcer sur la demande française.

Mandat d'arrêt international ?

«Mais même si la réponse est favorable, explique Roger Cahen, avocat des victimes, il est probable que Hassan Diab interjette appel et que son extradition soit repoussée d'un an ou deux dans le meilleur des cas. Je connais bien le droit canadien, et je comprends qu'on respecte les procédures. Mais si, au bout du compte, le Canada refuse l'extradition, nous avons suffisamment d'éléments pour faire condamner Diab par contumace en France. Après quoi il sera à la merci d'un mandat d'arrêt international. Je garde l'espoir, avant ma mort, de le voir dans une prison française.»

Lenteurs

Les lenteurs de l'enquête rue Copernic ont été évoquées par certains acteurs dans le dossier. Dans une interview parue samedi, le juge Marc Trévidic chargé de l'affaire a expliqué que, sous la pression de «certains politiques», on avait d'abord perdu un certain temps en privilégiant la piste de l'extrême droite, pour éviter d'être confronté à la piste «palestinienne», embarrassante sur le plan diplomatique.

Une fois repartie dans la bonne direction, «l'enquête a été grandement retardée par la guerre au Liban», a indiqué Jean Chichizola, auteur d'un livre sur L'affaire Copernic.

Par la suite, le dossier a connu les lenteurs habituelles dues «aux faiblesses de la coopération judiciaire internationale, liées à la différence qui existe entre les différents pays», a conclu le juge Jean-Louis Bruguière, vedette de la lutte antiterroriste.

«C'est tout à l'honneur du Canada d'être respectueux du libéralisme et des libertés, a-t-il ajouté en réponse à La Presse. Mais dans ce domaine, il faut éviter de se tromper sur la position du curseur. Et que les différentes procédures à cet effet n'aboutissent, une fois mises bout à bout, à faire le jeu du terrorisme. Il vaut mieux durcir un peu le dispositif pour éviter les attentats, car, si ceux-ci ont lieu, on aura tendance à pousser très loin le balancier de la répression. Actuellement, la coopération judiciaire en matière de terrorisme est beaucoup plus facile avec la Grande-Bretagne et les États-Unis qu'avec le Canada. Il faut y penser. Le Canada n'a pas jusqu'à maintenant subi de graves attentats, mais il n'est pas une île séparée du reste du monde.»

À 18h38 hier, 30 ans jour pour jour après l'attentat, dans une rue Copernic quadrillée par les services de sécurité, on a entonné le kaddish -la prière des morts- en présence du premier ministre François Fillon et de plusieurs personnalités politiques nationales et parisiennes.