Pour la troisième fois en moins d'un mois, les opposants à la réforme des retraites ont défilé massivement samedi en France, sans faire reculer le gouvernement qui n'envisage toujours que des amendements à la marge sur ce projet phare de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy.

Selon la CFDT et la CGT, les deux plus importants syndicats français, les cortèges ont rassemblé près de 3 millions de personnes, soit les mêmes estimations que lors de la dernière journée d'actions du jeudi 23 septembre.

«C'est une mobilisation réussie. On attend que le gouvernement entende enfin cette expression populaire et qu'il bouge sur son projet», s'est félicité le numéro deux de la CFDT Marcel Grignard.

Selon le ministère de l'Intérieur, la participation était au contraire en baisse avec 899 000 personnes contre 997 000 le 23 septembre mais le gouvernement n'a pas cette fois voulu polémiquer sur les chiffres.

«Chacun reconnaît ce soir qu'il n'y a pas d'amplification du mouvement», s'est contenté de réagir le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel.

Le ministre du Travail, Eric Woerth, a relevé qu'il n'y avait «pas d'augmentation de la mobilisation».

«Il y a une mobilisation qui est du même ordre» que le 23 septembre, «elle est forte, mais elle est du même ordre», a dit M. Woerth sur la chaîne de télévision publique France 3. Il a redit que la réforme était nécessaire et «juste».

Déjà voté par les députés, le texte sera examiné à partir de mardi au Sénat. Les syndicats ont prévu une nouvelle journée d'actions, avec grèves cette fois-ci le 12 octobre mais ils hésitent à lancer des grèves reconductibles au cas où le gouvernement refuserait de revenir sur le coeur de la réforme, le recul de 60 à 62 ans pour l'âge minimum de départ et de 65 à 67 ans pour la retraite à taux plein.

«Si le gouvernement confirme son intransigeance, il ne faudra pas s'étonner si la mobilisation prend d'autres formes», a cependant prévenu le numéro un de la CGT, Bernard Thibault.

Les dirigeants syndicaux se sont surtout réjouis d'avoir réussi à faire venir «de nouveaux participants» en choisissant d'appeler à manifester pendant le week-end au lieu d'une journée de travail en semaine.

Un peu partout, les correspondants de l'AFP ont noté une proportion en hausse de femmes, de jeunes et de salariés du privé.

Beaucoup étaient venus en famille et on a vu des poussettes dans les cortèges, comme à Paris (310 000 manifestants selon les syndicats, 63 000 selon la police)

«Les autres fois, on était au boulot», explique Stéphanie Ouvry, salariée dans le marketing, venue à Paris avec son fils de 4 ans, et son compagnon Aurélien Vairet, entrepreneur, qui «culpabilisait de ne pas avoir participé aux précédentes manifestations».

Pour Christine, 36 ans, fonctionnaire de justice, venue avec son mari et deux jeunes enfants, «le samedi, c'est mieux, car au moins on ne perd pas d'argent».

Selon un sondage CSA publié dans le quotidien communiste L'Humanité, plus de sept Français sur dix soutenaient la mobilisation de samedi.

Déjà voté par les députés, le projet de loi sera examiné par les sénateurs à partir du 5 octobre.

«Le débat au Sénat va permettre de faire évoluer le texte par amendements, sur un certain nombre de sujets, les travailleurs handicapés, les chômeurs âgés, les victimes de l'amiante», a assuré Luc Chatel.

Mais le gouvernement exclut de revoir le fond de la réforme, les mesures d'âge, qu'il juge indispensable pour financer le système par répartition à la française.

Jeudi, Nicolas Sarkozy avait enfoncé le clou en déclarant que les Français n'auraient «pas de soucis à se faire» pour leurs retraites une fois la réforme passée. «Un mensonge», lui a répondu le socialiste Laurent Fabius, alors que la patronne du PS Martine Aubry a demandé samedi une «remise à plat» du projet.

Pour le chef de l'État, au plus bas dans les sondages (72% des Français mécontents, selon le baromètre mensuel du Figaro Magazine), la réussite de cette réforme, qu'il entend placer au coeur du bilan de son quinquennat, est essentielle à 18 mois de l'élection présidentielle.