Les annonces d'attentats déjoués et d'alertes en Europe se multiplient à une cadence rapide ces derniers jours, signe que le danger est réel dans un climat international tendu, tout comme la possibilité d'une exploitation politique, estiment des experts.

D'une façon générale, «il y a un risque, la menace est réelle, fréquente, constante: des attentats sont continuellement en préparation», estime François Heisbourg conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique, rappelant qu'«en moyenne deux attentats par an sont déjoués en France».

Près de trois semaines après le 9ème anniversaire des attentats du 11 septembre aux États-Unis (2 752 morts), les clignotants sont au rouge.

Projet déjoué d'attaques simultanées en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, planifiées au Pakistan en lien avec Al-Qaïda, annonçaient mardi Sky News et la BBC citant des sources du renseignement évoquant le scénario des attentats de Bombay (novembre 2008, 163 morts).

En Norvège, la police vient d'annoncer avoir déjoué en juillet un attentat, sans cependant pouvoir déterminer la cible exacte. La France enfin est en état de vigilance accrue: la semaine dernière, Paris a mis en garde sur la possibilité d'un attentat «imminent» d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), quelques jours après l'enlèvement, revendiqué par ce groupe, de sept personnes dont cinq Français au Niger.

«Il y a actuellement un climat propice à l'expression de la violence, le risque de passer à la violence est plus élevé que jamais ces cinq dernières années», constate Alain Chouet, un ancien responsable des services de renseignement français chargé de la lutte antiterroriste.

En Afghanistan, les États-Unis ont fini d'envoyer quelque 30 000 hommes en renfort pour contrer le développement de la rébellion des taliban. Au Pakistan, les attaques de drones américains s'intensifient depuis un mois dans les bastions des talibans et d'Al-Qaïda - où selon le Wall Street Journal de mardi la CIA aurait déjoué un «complot terroriste présumé visant des cibles européennes».

Enfin, la position de la France au Sahel, où son armée est lancée dans une large opération de recherche de ses otages, n'est pas au goût de tous.

Selon ces experts, des attaques à la bombe comme dans des trains de Madrid en mars 2004 (181 morts) ou des attentats-suicide de Londres (juillet 2005, 52 morts), organisés par des groupes mobilisés spontanément, sont dans l'absolu possibles à n'importe quel moment.

En revanche, ils excluent l'idée d'une opération aussi bien huilée que celle de Bombay, quand un commando d'islamistes avait attaqué simultanément plusieurs objectifs dont des hôtels, qui s'inscrit selon eux dans le cadre de la confrontation particulière entre l'Inde et le Pakistan.

«Il y avait la patte (des services secrets pakistanais) ISI derrière ces attentats: les dossiers étaient prêts, les gens embauchés, prêts à agir», dit Alain Chouet, auteur du livre «La sagesse de l'espion».

Pour ces experts, les autorités ont raison d'être vigilants.

Mais François Heisbourg met en garde contre «la bulle médiatique née d'une alerte réelle, relayée par les médias, amplifiée par les politiques» pour finir par se dégonfler.

La stratégie de communication des autorités sur le risque d'attentats est dans ce cadre mise en question.

«Il est possible que certains aient un agenda politique», dit M. Heisbourg.  Ainsi, aux États-Unis, certains républicains peuvent avoir intérêt à démontrer les failles de l'administration du président Barack Obama qui lui peut chercher à montrer à quel point il est mobilisé dans la lutte antiterroriste à l'approche des élections de mi-mandat en novembre.

En France, l'opposition de gauche a soupçonné d'arrière-pensées politiques le pouvoir du président Nicolas Sarkozy au plus bas dans les sondages à un an et demi de la fin de son mandat. L'ex-candidate socialiste à la présidentielle Ségolène Royal a évoqué «une part de mise en scène».