L'élection triomphale mercredi de la socialiste Simonetta Sommaruga a fait basculer la Suisse conservatrice dans l'Histoire, donnant la majorité aux femmes au sein du gouvernement, tout un symbole dans la dernière démocratie d'Europe à leur avoir accordé le droit de vote.

La socialiste de 50 ans a remporté une majorité absolue de 159 voix, «un véritable plébiscite» a estimé le président du Parti socialiste suisse, Christian Levrat.

L'élection de la conseillère bernoise porte à quatre le nombre de femmes au Conseil Fédéral, gouvernement collégial composé de sept ministres et qui compte déjà trois femmes, la ministre des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, la présidente actuelle de la Confédération, Doris Leuthard, et la ministre de la Police et Justice, Eveline Widmer-Schlumpf.

Karin Keller-Sutter (Saint-Gall), un temps favorite pour un cinquième portefeuille féminin a échoué à remporter l'élection pour le deuxième poste en lice qui a été attribué à l'industriel Johann Schneider-Ammann. Celui-ci remplacera le ministre des finances Hans-Rudolf Merz du Parti Libéral-Radical (centre droit).

Le vote qui a pris fin à la mi-journée a été retransmis en direct à la télévision. Il avait démarré au petit matin après une veillée baptisée «la nuit des longs couteaux», traditionnellement consacrée à de subtiles négociations entre partis pour parvenir le jour des élections à une «formule magique», socle du système politique helvétique.

L'élection de Simonetta Sommaruga a été saluée par des applaudissements nourris, sous les lambris du Parlement fédéral de Berne où l'atmosphère est habituellement plus compassée.

Au quatrième tour, la socialiste a finalement été élue à la succession du ministre démissionnaire Moritz Leuenberger (ministre du Transport, de l'Energie et de la Communication).

La nouvelle conseillère Fédérale, tailleur noir, corsage imprimé et collier de perles a remercié les parlementaires dans les quatre langues du pays (allemand, français, romanche et italien).

«La majorité doit tenir compte de toutes les minorités, qu'elles soient culturelles, linguistiques, religieuses, politiques ou de toute autre nature» a-t-elle déclaré d'emblée.

«J'accepte mon élection», a-t-elle ajouté, affirmant son intention de faire preuve durant son mandat d'«humilité, de crédibilité et de fiabilité».

Louée dans les milieux politiques de tous bords pour ses compétences, son sérieux et son sens du compromis, la conseillère est entrée au parti socialiste en 1986 et a été élue au Conseil des États (sénat) en 2003.

Pour Gilbert Casasus, professeur en études européennes à l'Université de Fribourg, cette élection «correspond totalement à l'évolution de la société suisse en ce début de 21ème siècle et offre «un nouveau visage» du pays, «ce n'est plus la Suisse traditionnelle ou conservatrice».

Mme Sommaruga, dit-il à l'AFP, «donne aussi un autre profil du parti socialiste suisse» et possède «une sensibilité européenne beaucoup plus marquée que d'autres Conseillers Fédéraux».

«C'est une jolie carte de visite» pour la Confédération helvétique estime pour sa part Pascal Sciarini, directeur de l'Institut de Sciences politiques de l'Université de Genève.

Pour la Suisse, quelque peu ternie ces derniers mois sur le plan international, «ce sera bonne occasion de modifier cette image d'un pays conservateur, opportuniste et machiste» dit-il à l'AFP.

Cette élection est particulièrement symbolique dans un pays où le droit de vote au niveau fédéral n'a été accordé aux femmes qu'en 1971 et la première conseillère fédérale élue en 1984.