Le leader indépendantiste tchétchène Akhmed Zakaïev, interpellé vendredi matin à Varsovie suite à un mandat d'arrêt émis par Moscou, a été remis en liberté dans la soirée sur décision du tribunal régional de la capitale polonaise.

«M. Zakaïev est libre. Il a le droit de se déplacer où il veut», a déclaré à l'AFP Wojciech Malek, le porte-parole du tribunal.

«Le tribunal n'a appliqué aucune mesure préventive à son égard», a-t-il ajouté.

Après cette décision, M. Zakaïev est sorti du bâtiment. Il a fait une déclaration en russe, se félicitant que la Pologne «reste un pays qui respecte les valeurs démocratiques», selon les images de la télévision TVN24.

Le parquet avait saisi le tribunal d'une demande de détention provisoire dans l'attente d'une décision sur son extradition.

«Il est indiscutable que Zakaïev bénéficie d'un statut de réfugié politique en Grande-Bretagne», a déclaré le juge dans les motifs de sa décision.

«Il est indiscutable que la décision des autorités d'un pays membre (de l'UE) a le même effet dans l'ensemble de l'Union européenne», a-t-il expliqué, cité par l'agence PAP.

Le parquet a 7 jours pour éventuellement faire appel de la décision du tribunal.

M. Zakaïev était arrivé jeudi à Varsovie. Tenue en tant que membre d'Interpol de l'arrêter en vertu du mandat international émis par Moscou, la Pologne devait se prononcer sur la demande d'extradition vers la Russie de cet indépendantiste exilé en Grande-Bretagne.

Après la sortie du tribunal, M. Zakaïev, 51 ans, est monté dans une voiture. Il a rejoint dans la soirée les participants à un congrès mondial d'indépendantistes tchétchènes qui se tient près de Varsovie.

Moscou a exprimé son mécontentement à propos de ce congrès, affirmant qu'il avait pour but de «déstabiliser la situation dans le Caucase» russe.

L'arrivée de M. Zakaïev en Pologne a placé ce pays dans une situation très délicate vis-à-vis de la Russie.

Varsovie s'est trouvé «devant un grave dilemme entre d'un côté ses obligations envers Interpol et de l'autre une situation où la Russie n'a pas été en mesure de présenter des preuves convaincantes d'une activité terroriste de Zakaïev», avait expliqué Marek Menkiszak, responsable des affaires russes au Centre d'études orientales, un groupe de réflexion polonais.

C'est le gouvernement polonais, en l'occurence son ministère de la Justice, qui aurait eu tout de même le dernier mot si le tribunal avait décidé l'extradition.

«En aucun cas, la partie russe ne pourra compter sur des décisions polonaises qui lui donnent satisfaction», avait assuré dès jeudi le Premier ministre polonais Donald Tusk.

«La Pologne a toutes les justifications nécessaires pour remettre Zakaïev à la Russie», avait rétorqué vendredi le chef de la Commission des Affaires étrangères de la chambre basse du Parlement russe, Konstantin Kossatchev.

«Zakaïev est coupable de nombreux actes terroristes et il ne cachait pas qu'il dirigeait les bandes rebelles dans le Caucase du Nord», a déclaré le représentant du Kremlin pour le Caucase du Nord, Alexandre Khloponine.

Pour l'analyste russe Alexandre Konovalov et le polonais Marek Menkiszak, les relations bilatérales ne souffriront pas d'un refus d'extrader l'indépendantiste tchétchène.

«La Pologne et la Russie ont connu des disputes plus graves et Zakaïev n'est pas une personnalité au nom de laquelle on puisse compromettre les relations polono-russes», a déclaré à l'AFP M. Konovalov, président de l'Institut d'analyses stratégiques.

«Le gouvernement tchétchène en exil ne présente pas de danger important pour la Fédération de Russie» et il s'agit plus pour Moscou «d'attirer l'attention sur sa position de principe concernant son intégrité territoriale et la lutte contre le terrorisme», estime M. Menkiszak.