La France s'est de nouveau retrouvée sur la défensive lundi à Genève et à Bruxelles, encore vivement critiquée par l'ONU et confrontée à un embarrassant document administratif qui nourrit l'accusation de stigmatisation des Roms en tant que minorité.

La haut commissaire aux droits de l'Homme Navi Pillay a jugé «préoccupante» la nouvelle politique du gouvernement français envers les Roms. «Cela ne peut qu'exacerber la stigmatisation des Roms et l'extrême pauvreté dans laquelle ils vivent», a-t-elle souligné.

Cette nouvelle critique de l'ONU est intervenue alors qu'à Paris et à Bruxelles, le gouvernement français était attaqué pour l'existence d'un document administratif ciblant expressément l'évacuation de campements de Roms.

Le document en question, une circulaire (texte donnant une interprétation de la loi) datée du 5 août mais obtenue par la presse vendredi, rappelle en préambule aux préfets les «objectifs précis» fixés par le président Nicolas Sarkozy: «300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms».

Cette circulaire signée par le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux vise à mettre en oeuvre la politique sécuritaire renforcée décidée par le président Nicolas Sarkozy fin juillet, après une série de faits divers concernant notamment des Roms.

Cette politique vise les Roms, dont la France a accéléré les expulsions, et les Français d'origine immigrée, qui pourront être déchus de leur nationalité en cas de meurtres de policiers ou de gendarmes.

Mais la circulaire est une nouvelle source d'embarras car elle officialise le concept de minorités qui n'existe pas dans la loi française. «Je ne connaissais pas cette circulaire», a ainsi assuré lundi le ministre de l'Immigration Eric Besson, ajoutant: «le concept de minorités ethniques est un concept qui n'existe pas chez nous».

Eric Besson avait auparavant assuré que la France n'avait pris «aucune mesure spécifique à l'encontre des Roms» qui, a-t-il dit, «ne sont pas considérés en tant que tels mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité», soit des Roumains et des Bulgares.

Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a fait savoir en début de soirée qu'il avait signé une nouvelle circulaire «pour lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation» des Roms.

«La France a mené sciemment une politique discriminatoire», a commenté à Bruxelles le groupe des Libéraux au Parlement européen.

Plusieurs responsables de la majorité du président Nicolas Sarkozy ont dénoncé «l'hypocrisie» de ceux qui attaquent la France pour cette circulaire. Elle «est la traduction de notre politique et je l'assume tout-à-fait», a lancé le chef du parti présidentiel UMP Xavier Bertrand.

«On en en train de dresser le procès européen de la France pour la façon dont une circulaire est rédigée», s'est emporté le secrétaire d'État aux Affaires européennes Pierre Lellouche, en marge d'une réunion à Bruxelles avec ses homologues européens.

«La France est un grand pays souverain. On n'est pas à l'école. Nous appliquons notre loi», a-t-il martelé. «Je n'ai pas l'intention d'être traité, au nom de la France, comme un petit garçon», a-t-il ajouté.

La semaine dernière déjà, le secrétaire d'État avait affirmé que le Parlement européen se «décrédibilise» après le vote par ce dernier d'une résolution appelant à un arrêt des expulsions de Roms.

La France souligne régulièrement que les Roms renvoyés en Roumanie ou en Bulgarie bénéficient d'une aide de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant et que ses agissements sont en tout point conformes aux lois européennes.

Environ un millier de Roms ont été renvoyés par la France dans leur pays depuis la fin juillet, une politique qui a valu à Paris une réprobation internationale, jusqu'au Vatican.

Photo: Reuters

Navi Pillay.