La France, à qui le Parlement européen a demandé jeudi de «suspendre immédiatement» les expulsions de Roms, a défendu bec et ongle sa politique à Bucarest tout en affichant une unité retrouvée avec la Roumanie pour mettre fin aux «polémiques stériles» sur ce dossier.

«Il n'est pas question que la France suspende les reconduites qu'il s'agisse d'ailleurs de Roumains, de Bulgares ou de tout autre ressortissant», a martelé à plusieurs reprises le ministre français de l'Immigration Eric Besson lors de sa visite en Roumanie avec le secrétaire d'État aux Affaires européennes Pierre Lellouche.

«Le Parlement européen est sorti de ses prérogatives et nous n'avons bien évidemment pas à nous soumettre à un diktat politique», a ajouté le ministre, commentant une résolution votée jeudi.

Les dirigeants français ont une nouvelle fois souligné qu'à leurs yeux la France respectait «scrupuleusement» le droit européen et français.

Invoquant une hausse de la délinquance, le président français Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont procédé depuis fin juillet au démantèlement de dizaines de camps et renvoyé des centaines de Roms principalement vers la Roumanie.

Ces renvois ont été vivement critiqués par Bucarest.

Mais jeudi, bien que la visite des deux ministres français ait été écourtée d'un jour, l'heure était à l'apaisement.

Le chef de la diplomatie roumaine Teodor Baconschi, qui s'était dit «inquiet» des «rapatriements collectifs», a préféré «s'abstenir» de commenter la décision du Parlement européen.

«Nous avons des projets communs à mener à bien, des objectifs à atteindre», a-t-il lancé lors d'une conférence de presse commune.

«Il faut mettre fin aux polémiques stériles», a-t-il déclaré tout comme M. Besson.

La Roumanie, qui dispose déjà d'une stratégie nationale pour les Roms, va établir un nouveau plan d'inclusion sociale pour cette minorité. Paris la soutiendra.

«Puis nous irons plaider ce plan à Bruxelles ensemble», a précisé M. Lellouche, n'excluant pas des projets de développement purement bilatéraux.

La Roumanie enverra par ailleurs dix policiers supplémentaires en France et des magistrats de liaison pour aider la police française face aux délinquants roumains.

Paris et Bucarest ont convenu «d'agir de concert» à Bruxelles pour améliorer les conditions de vie des millions de Roms de l'Union et obtenir les fonds nécessaires.

La France a reproché à plusieurs reprises à la Roumanie de ne pas faire assez pour intégrer les Roms.

La Roumanie compte la plus importante communauté rom d'Europe, forte de 530.000 à 2,5 millions de membres. Nombre d'entre eux souffrent de pauvreté et de difficultés à accéder au marché du travail, même si des progrès ont été enregistrés dans l'accès à l'éducation.

Les Roumains plaident pour une stratégie européenne, seule à même à leurs yeux d'apporter «une réponse durable» aux problèmes des Roms.

«Nous partageons certains points soulevés par la France sur la nécessité pour le gouvernement roumain de faire davantage mais en même temps, ces déclarations perdent de leur crédibilité quand on voit la politique d'expulsions et de démantèlement des camps», a déclaré à l'AFP David Mark, directeur de l'ONG roumaine Alliance civique pour les Roms.

Par ailleurs, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a «maintenu ses positions exprimées mercredi» selon lesquelles la rhétorique politique actuelle contre les Roms était similaire à des termes utilisés par les nazis et les fascistes.

Paris a toutefois indiqué que M. Hammarberg «ne visait pas le gouvernement français» dans ses déclarations.

Ce dernier a précisé jeudi que «des représentants du gouvernement français ont échoué à établir une distinction claire entre la communauté rom dans son ensemble et certains de ses membres auteurs de délit».