Le 2 mars 1998, Wolfgang Priklopil, 35 ans, a arrêté son véhicule sur la rue, près d'une école. Quand Natascha Kampusch, 10 ans, est passée à côté, il l'a empoignée par la taille et jetée dans sa camionnette. «Est-ce que j'ai crié? Je ne pense pas. Même si tout en moi n'était qu'un seul cri. Il montait en moi et est resté coincé dans ma gorge.»

C'était le premier de ses 3096 jours de captivité, un chiffre qui est devenu le titre de son autobiographie qui sera lancée aujourd'hui en Autriche: 3096 Tage.

Depuis ce jour de 1998 et sa libération, huit ans plus tard, la Viennoise a grandi sous les ordres de celui qui se faisait appeler «maestro» ou «mon seigneur» et qui l'avait rebaptisée «Bibiana». «Il voulait m'appeler Marie, mais j'ai choisi Bibiana», écrit-elle, en précisant que ce changement de nom l'avait aidée. «J'étais une personne différente. Au sous-sol, j'étais Bibiana. Elle était plus patiente. Et avait plus de résistance.»

Si elle dit avoir été relativement bien traitée dans les premières années de sa séquestration, Natascha Kampusch écrit que l'attitude de son bourreau a changé après avoir atteint la puberté, vers l'âge de douze ans. Priklopil «a commencé à me traiter comme si j'étais sale et dégoûtante», dit-elle.

Emprisonnée dans une cave fermée par une porte de béton, elle recevait des ordres d'un haut-parleur. Priklopil avait toujours voulu «une esclave», écrit-elle. Il lui avait rasé les cheveux, l'affamait et, à partir de 14 ans, l'obligeait à faire le ménage à moitié nue pour l'empêcher de se sauver. Il lui avait dit que ses parents avaient refusé de payer la rançon. «Ils sont heureux de s'être débarrassé de toi», disait-il. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide.

La violence physique était quotidienne, particulièrement lorsque l'homme était insatisfait de son travail ménager. «Il haïssait quand la douleur me faisait pleurer», dit-elle. La violence sexuelle était présente même si, dit-elle, la relation de Priklopil avec elle avait peu à voir avec le sexe. Elle avait 14 ans quand elle a pu passer sa première nuit hors de la cave. «Je me suis couchée apeurée dans son lit, il s'est couché à mes côtés et a attaché mes poignets avec des menottes de plastique», dit-elle.

«L'homme qui me battait et m'enfermait dans la cave avait autre chose en tête: il voulait quelque chose à cajoler, dit-elle. Il voulait avoir quelqu'un pour qui il serait la personne la plus importante au monde. Il semble n'avoir trouvé aucun autre moyen que d'enlever une timide enfant de dix ans.»

Mais elle n'excuse pas son bourreau pour autant. L'homme, malade et paranoïaque, l'a battu à coups de barre de fer et l'humiliait constamment. «Il l'a fait plusieurs fois: me jeter nue à la porte de la maison, en me disant: Enfuis-toi. Voyons jusqu'où tu peux aller.»

Elle ne l'a jamais fait, paralysée par la peur. Comme elle n'a pas osé crier «Au secours!» à l'agent de circulation qui avait arrêté Priklopil pour vérifier son permis de conduire. Un autre jour, lors d'une exceptionnelle sortie de ski dans le but de mener une «vie normale» avec elle, Priklopil a dû la laisser aller seule aux toilettes. Rassemblant tout son courage, Kampusch raconte avoir parlé à une dame.

«Elle m'a souri amicalement, s'est retournée et est partie. C'était un de mes pires cauchemars: personne ne pouvait m'entendre, j'étais invisible. Plus tard, j'ai compris que la dame était Néerlandaise et n'avait tout simplement pas compris ce que j'avais dit.»

La fin

Natascha Kampush, qui a aujourd'hui 22 ans, dit avoir voulu «se débarrasser» de son histoire en rédigeant cette autobiographie. Hier, les médias autrichiens ont abondamment parlé du tirage - 50 000 exemplaires - considéré comme très élevé.

Il s'agit néanmoins d'un «best-seller programmé», selon le journal autrichien Die Presse. Un prélude au film sur sa vie qui sera tourné l'an prochain, pour une sortie prévue en 2012. Il sera produit par l'Allemand Bernd Eichinger, l'homme derrière le film La Chute en 2004 (sur les derniers jours d'Hitler).

Le livre s'achève avec le récit du 23 août 2006, alors que Natascha Kampusch nettoyait la camionnette qui l'avait emporté loin de chez elle 3096 jours auparavant. Le téléphone cellulaire de Priklopil lui a fait relâcher sa vigilance pendant un moment crucial.

La jeune femme s'est élancée sur la route de Strasshof, en banlieue de Vienne, convaincue qu'elle courait vers la mort. La police l'a recueillie. Les enquêteurs étaient médusés - certains voulaient attendre les résultats d'un test d'ADN avant de croire qu'il s'agissait bien d'elle. Wolfgang Priklopil n'a jamais été arrêté - il s'est suicidé le soir de l'évasion de Natascha.

«J'ai reconnu immédiatement ma mère quand elle est arrivée au quartier général. Un total de 3096 jours s'étaient écoulés depuis ce matin où j'ai quitté notre appartement sans lui dire au revoir», écrit-elle. «Elle sanglottait, et riait et pleurait en même temps alors qu'elle courrait vers moi pour me prendre dans ses bras (...). «Tu es de retour», répétait ma mère en chuchotant. «Natascha, tu es de retour».

Des extraits de l'autobiographie ont été publiés en ligne sur le site du journal Daily Mail (en anglais):

https://www.dailymail.co.uk/news/article-1309296/Natascha-Kampusch-autobiography-Girl-snatched-stranger-held-8-years.html

et

https://www.dailymail.co.uk/news/article-1309613/Natascha-Kampusch-finally-escaped-captor-Wolfgang-Priklopil.html?ito=feeds-newsxml

- Avec Die Press, Daily Mail, The Guardian, AFP.