La politique musclée du gouvernement français envers les Roms, qui continue de soulever la polémique dans le pays et au-delà, secoue la formation politique du président Nicolas Sarkozy et ses alliés. Elle pourrait même servir de tremplin à plusieurs défections.

Bien qu'il ait récemment renouvelé sa cotisation pour demeurer membre du parti de la majorité, l'UMP, l'ex-premier ministre Dominique de Villepin a violemment attaqué la semaine dernière la campagne d'expulsion en cours: «C'est une tache de honte sur notre drapeau», a-t-il dit.

La «surenchère sécuritaire» n'a d'autre objectif que «d'assurer la conservation du pouvoir au service d'intérêts personnels», a lancé l'homme politique, dont les ambitions présidentielles sont bien connues.

Une dizaine de députés qui lui sont fidèles pourraient quitter sous peu les rangs de l'UMP pour former un groupe distinct à l'Assemblée nationale et se distancier des orientations du gouvernement.

L'ex-secrétaire d'État au logement, Christine Boutin, qui chapeaute le Parti chrétien-démocrate, menace aussi de se dissocier complètement de l'UMP.

Mme Boutin, proche des milieux catholiques, a déclaré que le discours gouvernemental envers les Roms constitue une «fêlure supplémentaire» pouvant mener à une rupture définitive.

«Boucs émissaires» du pays

Le ministre de la Défense, Hervé Morin, qui préside le parti Nouveau centre, associé à l'UMP, a aussi songé à invoquer le virage sécuritaire en cours pour justifier son départ du gouvernement.

Lors du congrès d'été de sa formation, le politicien a relevé ironiquement, en citant un «ami musulman», que les Français d'origine maghrébine étaient «fiers de passer le relais aux Roms comme boucs émissaires» du pays.

Le premier ministre François Fillon a de son côté rappelé à ses troupes que les membres de la majorité doivent se dispenser des «petites phrases» et des «états d'âme».

Pascal Perrineau, responsable du Centre de recherches politiques de Sciences po, à Paris, pense que les sons de cloche discordants qui se font entendre sur la question des Roms reflètent la «diversité historique de la droite» et ne laissent pas présager un «éclatement» de l'UMP.

Deux courants s'opposent, dit-il, sur la question de la sécurité. Le premier veut tenir un discours «très dur» pour ramener les électeurs susceptibles de balancer vers l'extrême droite; le second prône aussi la fermeté, mais insiste sur le «style» et la nécessité d'éviter toute apparence de stigmatisation d'une partie de la population.

Les prises de bec actuelles reflètent aussi les «perturbations» créées par un remaniement ministériel prévu pour le mois d'octobre et l'approche de l'élection présidentielle.

Pas d'impact sur la popularité

Selon M. Perrineau, il est pratiquement acquis que Nicolas Sarkozy sollicitera un autre mandat même s'il est au plus bas dans les sondages.

«Il a toujours eu un fighting spirit», souligne l'analyste, qui explique la faible popularité du chef d'État par l'impact de la crise économique et financière plutôt que par une quelconque «spécificité sarkozienne».

Le virage sécuritaire contre les Roms n'a pas eu d'impact marqué sur la cote de popularité du chef d'État, qui maintient le cap malgré les critiques.

La Commission européenne continue notamment de faire pression sur Paris pour obtenir des explications «convaincantes» sur la légalité des renvois en cours vers la Roumanie et la Bulgarie.