Le président russe, Dmitri Medvedev, a suspendu jeudi la construction d'une autoroute à travers une forêt près de Moscou, une décision inattendue qui va dans le sens des exigences des écologistes et des riverains soutenus par l'opposition après une mobilisation sans précédent.

Compte tenu du caractère «retentissant» de ce dossier et des doléances, «j'ai pris la décision d'ordonner au gouvernement de suspendre la construction de cette autoroute», a annoncé M. Medvedev dans une vidéo mise en ligne sur le site internet du Kremlin.

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«Nos concitoyens, dont des représentants du parti au pouvoir Russie unie, de partis d'opposition, d'organisations civiles ainsi que des experts disent qu'il faut une nouvelle analyse», a souligné le président russe qui ne voit «aucun problème» dans la réalisation de «nouvelles études».

Cette décision est intervenue après un appel semble-t-il bien coordonné avec la formation Russie unie dirigée par le premier ministre Vladimir Poutine, qui a exhorté plus tôt dans la journée M. Medvedev à stopper la construction de cette autoroute à travers la forêt de Khimki (nord-ouest de Moscou), dans un bref communiqué sur son site Internet.

La suspension du projet a été bien accueillie par ses détracteurs, à commencer par l'association de riverains qui se bat depuis trois ans pour empêcher l'abattage d'une partie de cette forêt.

Cette association dénonce des intérêts financiers privés sur fond de corruption et propose deux autres itinéraires contournant la bois de Khimki.

«Bravo président !», s'est réjoui Greenpeace Russie après l'annonce de M. Medvedev. «C'est une décision claire (...) qui correspond à ce qu'exige beaucoup de gens», a déclaré un responsable de l'ONG, Ivan Blokov, à la radio Echo de Moscou.

La réaction du président russe signifie que «la société civile à son mot à dire», a renchéri le dirigeant de l'antenne russe du Fonds mondial pour la nature (WWF), Igor Tchestine, cité par l'agence Interfax.

Des représentants de la société civile et des opposants avaient exprimé leur satisfaction dès l'annonce de Russie unie.

«Nous sommes très heureux (...), c'est inattendu et difficile à expliquer car jusqu'à présent les autorités ne réagissaient pas aux protestations civiles», a déclaré à l'AFP la dirigeante du Mouvement de défense de la forêt de Khimki, Evguenia Tchirikova.

Ses membres ont organisé de nombreuses manifestations, installé un campement sur l'itinéraire du tronçon d'autoroute au milieu de la forêt pour empêcher que les arbres ne soient abattus. Ils se sont souvent heurtés aux forces de l'ordre qui les ont interpellés sans ménagement.

Ce tronçon de la future autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg est construit par la société NWCC LLC, filiale du groupe de BTP français Vinci.

Point d'orgue de la mobilisation contre ce projet, un meeting a réuni dimanche dans le centre de Moscou au moins 2.000 personnes, un nombre exceptionnel pour une manifestation non officielle dans la capitale russe.

Les organisateurs avaient reçu le soutien de l'opposition et de grands noms de la scène musicale comme le vétéran du rock Iouri Chevtchouk, leader du groupe culte DDT.

«J'ai le sentiment que la société civile commence à se redresser de nouveau», comme ce fut le cas dans les années 1990, a déclaré l'ancienne dissidente soviétique Lioudmila Alexeeva, en commentant la décision de suspension du projet.

«Nous ne sommes pas les seuls à sentir cela, le pouvoir le sent aussi», a-t-elle ajouté pendant une conférence de presse à Moscou, évoquant «la peur des autorités» avant les élections législatives prévues en 2011.