Daniel retournera prochainement en Roumanie avec sa femme et ses trois jeunes enfants, comme lui demandent de le faire les autorités françaises. Mais uniquement pour pouvoir revenir quelques jours plus tard dans son pays d'adoption.

«Deux, trois jours en Roumanie, un tampon, voilà, c'est bon», déclare-il en montrant le document officiel qui le somme de quitter l'Hexagone d'ici à la mi-septembre.

«Pas de travail là-bas», explique à l'appui de ses intentions l'homme de 31 ans, qui a été chassé la semaine dernière avec sa famille d'un immeuble désaffecté de Montreuil, en banlieue parisienne, où s'étaient installés illégalement une trentaine de Roms.

Le gouvernement français a annoncé il y a quelques semaines sa volonté de démanteler 300 campements illégaux de Roms dans le pays, précipitant une série d'interventions policières comme celle qui a mis Daniel et ses proches à la rue.

Les autorités, qui multiplient les contrôles à ces occasions peuvent ordonner aux ressortissants roumains ou bulgares installés depuis plus de trois mois sur le territoire de partir s'ils ne disposent pas de moyens appropriés pour assurer leur subsistance. Mais elle ne peut les empêcher de revenir en raison des règles de libre circulation touchant les citoyens de l'Union européenne.

«Les familles n'ont pas eu beaucoup de répit depuis huit ou neuf mois», souligne Gaëlle Créach, résidante de Montreuil qui connaît bien les Roms évacués il y a une semaine. La plupart, relate-t-elle, ont été chassés d'un bâtiment abandonné à l'autre au cours de la dernière année après avoir été forcés d'abandonner un terrain vague.

«Le gouvernement s'en prend à la population la plus démunie, la plus désorganisée, la plus faible uniquement à des fins politiques», déplore Mme Créach.

Lits pliables et aide d'urgence

Après l'évacuation de samedi dernier, la Ville de Montreuil a offert aux familles de s'installer temporairement dans le gymnase d'une école qui est parfois utilisée pour les situations d'urgence.

Des lits pliables ont été répartis le long des murs à l'attention des familles, qui reçoivent une aide alimentaire d'urgence d'une association locale.

À l'arrivée de La Presse hier matin, vers 10h, une femme s'affairait à cuire des pommes de terre sur un réchaud de fortune à l'entrée de la salle. Une petite fille s'amusait à faire tourner un vieux four à micro-ondes posé sur une table avec des roulettes.

Une casserole de pâtes à moitié renversée était posée au sol à côté du lit de Daniel, qui dit être arrivé en France il y a deux ans.

Au cours d'une entrevue menée dans un italien approximatif qu'il a appris lors d'un long séjour en Italie, l'homme n'a pas caché sa lassitude face aux événements des derniers jours. «Ce n'est pas facile», a-t-il indiqué en montrant ses modestes avoirs, concentrés dans quelques sacs.

La tension était palpable aussi chez Gabriela, mère de quatre enfants, qui se disait trop lasse pour répondre aux questions.

«Je n'en peux plus. Les journalistes, la mairie, la police... Trop compliqué», a-t-elle déclaré en posant ses mains sur ses tempes.

Comme plusieurs des personnes présentes, elle s'affairait hier à empaqueter les quelques biens de sa famille en vue de procéder en après-midi à un nouveau déménagement.

Mieux en France

Une association a accepté de fournir, là encore pour quelques semaines, une nouvelle salle au groupe, qui réclame une solution de logement durable que la Ville se dit incapable de fournir.

L'adjointe au maire, Fabienne Vansteekiste, répète que Montreuil assure déjà un soutien en matière de logement et de scolarisation à 300 Roms en vue de favoriser leur «intégration». Et qu'elle n'est pas en mesure de faire plus avec les ressources dont elle dispose, quoi que décide de faire la police.

Tout comme les autres hommes réfugiés dans le gymnase, qui ne parlent pratiquement pas un mot de français, Daniel gagne normalement un peu d'argent comme ferrailleur, récupérant où il le peut des pièces métalliques de valeur qu'il peut revendre sur les marchés publics.

Ses revenus ne lui permettent pas d'espérer un logement digne de ce nom, condamnant sa famille à une vie marginale et difficile. Qui se complique plus encore aujourd'hui avec la pression accrue qu'exercent les autorités policières.

«C'est une guerre qu'on leur livre, il n'y a pas d'autre mot pour décrire ce qui se passe», souligne Sylvain, un autre résidant de Montreuil venu réconforter les Roms du gymnase.

Une guerre qui ne suffit pas à convaincre Daniel de renoncer à ses projets de retour. «C'est mieux en France», dit-il.