Confrontées depuis des semaines à une canicule sans précédent et à des incendies qui ont menacé des centres militaires et nucléaires puis des zones polluées par la radioactivité, les autorités russes cherchent à verrouiller l'information, avec plus ou moins de succès.

Dernier épisode de cette politique de contrôle de l'information, un site officiel dépendant du ministère russe de l'Agriculture est inaccessible depuis vendredi après avoir révélé que des zones polluées par la radioactivité avaient été touchées par des incendies.

Le site de l'Agence de protection des forêts a annoncé vendredi que 4000 hectares de terres irradiées avaient brûlé depuis juillet en Russie, dont 270 hectares dans la région de Briansk, à la frontière du Bélarusse et de l'Ukraine, zone touchée par l'explosion en 1986 de la centrale de Tchernobyl.

Cette annonce inquiétante avait été aussitôt démentie par le ministre des Situations d'urgence, Sergueï Choïgou, selon lequel aucune région irradiée n'a été touchée par les incendies.

«C'est de la censure. Les autorités devraient informer la population, les pompiers, les volontaires sur le danger radioactif éventuel et les mesures à prendre pour se protéger», a estimé Vladimir Sliviak, co-président du groupe écologique Eco-défense, interrogé par l'AFP.

«Avec l'internet, tout le monde a pu voir sur des photos satellites qu'il y avait des incendies dans la région de Briansk», a-t-il ajouté.

Vladimir Tchouprov, directeur du programme énergétique de Greenpeace Russia, a ajouté que «Greenpeace avait observé le 15 août trois nouveaux incendies dans la région de Briansk, grâce à des photos satellite».

«L'État répète les mêmes erreurs qu'il y a 25 ans, quand on cachait ou minimisait les conséquences de Tchernobyl», a déclaré à l'AFP M. Tchouprov.

À Tchéliabinsk (Oural -2000 km à l'est de Moscou-), c'est avec trois jours de retard que la population a appris début août que les autorités avaient décrété l'état d'urgence autour du centre nucléaire de Maïak menacé par les incendies.

De quoi alimenter l'inquiétude quant au sort de ce gigantesque complexe (où s'est produit une catastrophe nucléaire en 1957) capable de retraiter 400 tonnes de combustible nucléaire usagé par an et qui stocke des quantités de déchets nucléaires.

Fin juillet, ce sont des médias russes qui ont révélé que le feu avait détruit une base de l'aéronavale dans la région de Moscou, un fait que les autorités militaires ont fini par reconnaître après l'avoir dissimulé.

Pour le bilan des morts de la canicule, les autorités ont tenté par divers moyens de minimiser le nombre de morts, qui se chiffre par milliers à Moscou, selon plusieurs sources.

Le quotidien populaire Tvoï Den a affirmé que le département de la Santé de Moscou avait interdit aux médecins de diagnostiquer les «coups de chaleur» afin de faire baisser «les statistiques des décès liées à la canicule», une information confirmée par plusieurs médecins dans la capitale.

«Il n'y a pas eu de telles consignes, c'est du délire», s'est défendue une responsable du département de la Santé de la capitale, interrogée par l'AFP.

Le chef de ce même département, Andreï Seltsovski, avait reconnu le 9 août que la mortalité avait doublé dans la capitale avec 700 décès enregistrés quotidiennement. Il avait été aussitôt réprimandé par le ministère de la Santé qui assurait que les données fiables pour juillet ne seraient disponibles qu'après le 20 août.

Selon les chiffres obtenus par l'AFP auprès de l'état-civil moscovite, le nombre de décès à Moscou a augmenté en juillet de 50% par rapport à 2009, soit quelque 5000 morts de plus.

Des éléments rejetés par le chef des services sanitaires de Moscou, Tatiana Popova, qui a refusé d'établir un lien entre la chaleur exceptionnelle et la hausse des décès.