L'affaire liée à l'héritière des cosmétiques L'Oréal a connu son paroxysme cette semaine en France, avec l'audition par la police du ministre du Travail Eric Woerth dont la mise en cause embarrasse le président Nicolas Sarkozy avant la présentation à la rentrée de la réforme des retraites.

C'est la première fois depuis l'élection de M. Sarkozy à la présidence en 2007 qu'un ministre est entendu par la police.

Lors de son audition, il a rejeté tous les soupçons pesant sur lui - conflit d'intérêts, voire trafic d'influence, et financement politique illégal de la campagne présidentielle de M. Sarkozy dans le cadre de l'affaire liée à la fortune de Liliane Bettencourt.

Ce dossier embarrasse le président, déjà éclaboussé par plusieurs scandales ayant entraîné la démission de deux ministres soupçonnés d'usage abusif des deniers publics.

Au plus bas dans les sondages, le chef de l'Etat, qui a annoncé un remaniement gouvernemental pour octobre, n'a cessé de soutenir son ministre: ce dernier est chargé de présenter à l'Assemblée nationale en septembre la réforme majeure de la fin de son quinquennat: celle des retraites, contre laquelle les syndicats ont promis de se mobiliser.

Le porte-parole adjoint du parti présidentiel UMP (droite) Dominique Paillé a reconnu jeudi que cette affaire laisserait «une trace» et souhaité que l'on «passe à autre chose"

C'est justement cette semaine, où son ministre était le plus fragilisé et suite à de récents faits divers, que le chef de l'Etat a annoncé un durcissement de sa politique dans les dossiers sécurité et immigration, sur lesquels il s'était notamment fait élire.

Pendant ce temps, l'enquête dans l'affaire Bettencourt s'emballait: outre le ministre du Travail, Liliane Bettencourt, femme la plus riche de France, a été entendue lundi par la police; deux jours après, le domicile de sa fille Françoise Bettencourt-Meyers était perquisitionné; vendredi le gestionnaire de fortune de l'héritière de L'Oréal Patrice de Maistre était placé en garde à vue pour la deuxième fois.

Cette affaire, née d'un conflit entre la mère et la fille Bettencourt, avait pris une dimension politique après la révélation en juin d'enregistrements clandestins au domicile de la milliardaire, réalisés entre mai 2009 et mai 2010, et les accusations de l'ex-comptable de la vieille dame âgée de 87 ans.

A la veille des vacances politiques et judicaires, les questions restaient posées.

Le ministre du Travail a-t-il favorisé l'embauche de sa femme dans une société chargée de faire fructifier la fortune de Mme Bettencourt (17 milliards d'euros) à une époque où il était ministre du Budget (2007-mars 2010)?

Est-il intervenu dans le traitement fiscal de la fortune de Mme Bettencourt soupçonnée de blanchiment de fraude fiscale (via deux comptes en Suisse non déclarés et une île aux Seychelles au statut flou) au moment où il était à la fois au Budget et trésorier de l'UMP chargé de recueillir des dons de riches particuliers?

A-t-il procédé à un financement politique occulte en recevant 150.000 euros en liquide des mains de Patrice de Maistre alors qu'il était trésorier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy?

A toutes ces questions, Eric Woerth, qui a quitté vendredi ses fonctions de trésorier de l'UMP, a répondu non, selon son avocat Me Jean-Yves Leborgne.

Pour le politologue Stéphane Rozès pourtant, même si Eric Woerth est mis hors de cause, le mal est fait: «Le seul rapprochement de la fonction de son épouse, sa situation de ministre du Budget et de trésorier de l'UMP font que la suspicion court de toute façon dans l'opinion».

«Les fautes éthiques sont évidentes», abonde le quotidien Libération (gauche).

Depuis le début, l'opposition de gauche dénonce une «collusion» entre pouvoir et grande finance. Selon un sondage Viavoice paru début juillet près de deux Français sur trois jugent les dirigeants politiques «corrompus».