Le ministre français du Travail, Eric Woerth, s'est longuement expliqué devant la police jeudi sur des soupçons de conflit d'intérêt et de financement politique illégal dans le cadre de l'affaire liée à la fortune de l'héritière L'Oréal qui fragilise le pouvoir de Nicolas Sarkozy.

Le ministre a été entendu comme témoin pendant près de huit heures à son ministère.

Au cours de son audition, il a récusé tous les soupçons de conflit d'intérêt et de financement politique illégal, a déclaré son avocat Me Jean-Yves Leborgne.

Cet épisode fragilise le ministre, chargé de mener l'impopulaire réforme des retraites, projet majeur de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy au plus bas dans les sondages. D'une façon générale, il atteint le gouvernement miné par une série de scandales.

Eric Woerth s'était dit «impatient» de dissiper les soupçons à son encontre devant la police.

Ce qui n'était au départ qu'un conflit familial entre l'héritière du géant des cosmétiques L'Oréal Liliane Bettencourt et sa fille Françoise a pris une dimension politique après la révélation en juin d'enregistrements clandestins au domicile de la milliardaire.

Ces écoutes, réalisées entre mai 2009 et mai 2010, suggèrent des opérations de fraude dans la gestion de la fortune de la femme la plus riche de France (17 milliards d'euros).

Et laissent planer des soupçons de conflit d'intérêt, voire de trafic d'influence relatif aux fonctions de Florence Woerth au sein d'une société chargée de faire fructifier la fortune de la milliardaire au moment où son époux était ministre du Budget (2007-mars 2010).

Eric Woerth a été entendu «de manière globale» sur les différents aspects de l'affaire Bettencourt pour lesquels son nom est apparu, selon le parquet de Nanterre (près de Paris).

Le ministre a été questionné sur l'embauche de sa femme. Dans les enregistrements, le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt Patrice de Maistre, expliquait avoir engagé Mme Woerth pour «faire plaisir» à son époux.

M. Woerth, «à aucun moment, n'est intervenu pour que son épouse soit embauchée» par M. de Maistre, a dit son avocat.

Le ministre devait également être questionné sur le traitement fiscal de la fortune de la milliardaire à l'époque où il était à la fois ministre du Budget et trésorier de l'UMP chargé de recueillir des dons de particuliers.

La vieille dame âgée de 87 ans - entendue en début de semaine par la police - est suspectée de blanchiment de fraude fiscale via l'île d'Arros aux Seychelles (évaluée à 500 millions d'euros) et deux comptes bancaires en Suisse (78 millions d'euros) non déclarés.

Un rapport interne de l'administration fiscale a blanchi le ministre de toute intervention dans ce dossier fiscal, mais sans convaincre l'opposition.

Eric Woerth devait enfin répondre aux accusations de financement politique illégal proférées par l'ex-comptable de Mme Bettencourt. Claire Thibout a affirmé que Patrice de Maistre lui avait demandé début 2007 de retirer 150 000 euros en liquide destinés selon elle à Eric Woerth, alors trésorier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

«En ce qui concerne le financement politique il a, avec une vigueur et une énergie particulière, nié avoir reçu un quelconque financement politique qui eut été non conforme à la loi», a poursuivi Me Leborgne.

Le ministre, qui a reçu le soutien du président, a répété à plusieurs reprises qu'il n'avait rien fait d'illégal et exclu de quitter le gouvernement.

Cette affaire a déclenché les foudres de l'opposition qui a accusé le pouvoir de «collusion» avec la grande finance.

Jeudi, les socialistes et les Verts ont dénoncé «une mise en scène» pour gagner du temps et un «spectacle inimaginable».

Le porte-parole de l'UMP Dominique Paillé a estimé que cette affaire laisserait «une trace» pour Eric Woerth victime d'une «chasse à l'homme absolument éhontée».