Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a révélé avoir rencontré les dix espions russes expulsés des Etats-Unis début juillet dans le cadre d'un échange sans précédent depuis la guerre froide et chanté avec eux des chansons patriotiques de l'époque soviétique.

Interrogé par un groupe de journalistes russes en marge d'une visite en Ukraine, M. Poutine, lui-même ancien agent du KGB (services secrets soviétiques), s'est longuement exprimé sur le sujet, selon la transcription publiée dimanche sur le site du gouvernement russe:

- Vous n'allez pas rencontrer les agents russes revenus des Etats-Unis?

Poutine: «je les ai rencontrés».

- Vous n'en dites pas plus?

Poutine: «Vous ne m'avez rien demandé de plus».

- De quoi avez-vous parlé?

Poutine: «De la vie».

- On raconte que vous avez chanté un karaoké avec eux.

Poutine: «On a chanté, pas un karaoké, mais avec un accompagnement musical».

- Vous ne dites pas ce que vous avez chanté?

Poutine: «Par quoi commence la Patrie, une chanson patriotique des années 1960 interprétée pour la première fois dans un film populaire, Le Bouclier et l'Epée du réalisateur Vladimir Bassov, sur le destin d'un espion soviétique travaillant en Allemagne durant la période nazie. «Je ne plaisante pas, c'est sérieux. Et (on a chanté) d'autres chansons de ce genre».

- Est-ce que vous avez l'intention de punir les agents russes?

Poutine: «Je crois que c'est une question indélicate. Elle ne peut pas être résolue au cours d'une conférence de presse. Les services secrets ont leurs règles. Et les collaborateurs de ces services connaissent très bien ces règles.    - Que vont faire ces agents maintenant en Russie?

Poutine: «Ils vont travailler et je suis sûr qu'ils auront des postes dignes, que leur vie sera intéressante, éblouissante».

Les dix agents russes, parmi lesquels la jeune et jolie rousse Anna Chapman, héroïne de la scène médiatique, ont été remis le 9 juillet à Vienne par les Etats-Unis.

M. Poutine n'a indiqué ni le lieu ni la date de sa rencontre avec eux mais affirmé connaître les noms de tous les «traîtres» qui avaient contribué à leur arrestation.

«Cela résulte d'une haute trahison. Et les traîtres finissent toujours mal. En règle générale, ils finissent dans la rue comme des alcooliques ou des drogués. Récemment, un (traître) a fini son existence quelque part à l'étranger et on ne sait pas pour quelle raison», a dit M. Poutine, sans autre détail.

L'ancien espion russe Sergueï Tretiakov, qui s'était rendu aux autorités américaines en 2000 et pourrait avoir renseigné les Etats-Unis sur les agents russes, est décédé le 13 juin d'une crise cardiaque à l'âge de 53 ans.

Bizarrement, sa mort a été annoncée seulement le 9 juillet, jour de l'échange d'espions entre les Etats-Unis et la Russie.

M. Poutine a insisté sur la «vie très difficile de chacun» des dix agents russes.

«Imaginez-vous, d'abord il faut posséder une langue comme votre langue maternelle. Penser et parler dans cette langue, accomplir des missions pour les intérêts de la patrie pendant de nombreuses années, ne pas compter sur une couverture diplomatique, mettre en danger ses proches et soi-même», a souligné M. Poutine.

Selon des informations de presse non confirmées, les agents russes expulsés des Etats-Unis sont débriefés par le Service de renseignement extérieur russe (SVR) dans un lieu tenu secret dans la région de Moscou, dans le cadre d'une procédure qui pourrait durer plusieurs semaines.

M. Poutine a indiqué que ce n'était pas sa «mission» d'évaluer le travail de ces agents mais la tâche de «spécialistes, leurs chefs», et que le destinataire final de telles informations serait le président russe, Dmitri Medvedev.