Les Yes Men, deux militants américains qui se sont rendus célèbres en créant de faux sites web qui mettent les gouvernements et les grandes entreprises dans l'embarras, ont maintenant des disciples à Montréal. Dans une supercherie mise en ligne le 14 juillet, ces derniers s'en sont pris à la France, qui, depuis, cherche à effacer leurs traces sur le web.

Dans un pastiche du site web du Quai d'Orsay, sur lequel apparaissait une vidéo d'une conférence de presse ainsi qu'un communiqué de presse, on pouvait lire que la France comptait restituer à Haïti près de 17 milliards d'euros (21 milliards de dollars).

Cette somme, expliquait la «porte-parole» du Quai d'Orsay dans la fausse vidéo, équivalait à la somme, majorée d'intérêts de 5%, que le petit pays antillais a versée à l'ancien colonisateur de 1825 à 1952 en échange de son indépendance.

Cette nouvelle, qui a vite fait le tour de la planète médiatique, a été démentie par le Quai d'Orsay. Vendredi dernier, le faux site web, qui était à l'adresse wwww.diplomatiegov.fr, a été bloqué par les autorités françaises pour réapparaître ailleurs.

Interrogées hier par La Presse, des sources du ministère des Affaires étrangères de l'Hexagone n'ont pas caché que des efforts étaient toujours déployés pour nettoyer l'internet de la supercherie. Une poursuite contre le groupe qui est à l'origine de la farce n'est pas exclue.

Militants masqués

Malgré la mise en garde des autorités françaises, les instigateurs de la farce, regroupés dans le Comité pour le remboursement immédiat des milliards envolés d'Haïti (CRIME), promettent de continuer leur croisade contre le gouvernement français. «Notre manière à nous de poursuivre la France, c'est sur le web», a dit une porte-parole du collectif lors d'une conférence de presse qui a eu lieu à Montréal hier matin.

Masquée, cette dernière a refusé de révéler son identité. Trois de ses comparses, aussi présents, portaient eux aussi un loup noir. «Nous avons consulté un avocat qui nous a dit qu'il était mieux de ne pas nous identifier», a répondu la porte-parole anonyme.

La militante masquée a noté que plus de 20 personnes, au Canada, aux États-Unis et en France, ont contribué à la préparation du canular depuis avril. Ces derniers ont eu droit à l'appui et à l'expertise des Yes Men, qui ont notamment piégé le gouvernement de Stephen Harper l'hiver dernier lors de la conférence de Copenhague sur les changement climatiques. Ayant créé un pastiche du site d'Environnement Canada, les Yes Men avaient annoncé dans un communiqué de presse que le Canada comptait réduire dramatiquement ses émissions de gaz à effet de serre et verser 13 milliards aux pays en voie de développement.

Lors des grandes conférences sur la reconstruction d'Haïti réunissant des pays donateurs au cours des derniers mois, l'idée de «faire un coup médiatique» similaire a germé dans la tête des membres de CRIME.

Ce n'est pas la première fois qu'un groupe revendique le remboursement par la France de la somme exigée d'Haïti par le roi Charles X en 1825 au nom des colons français qui avaient perdu des terres, des esclaves et des revenus commerciaux après l'accession de la perle des Antilles à l'indépendance. L'ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide avait évoqué l'idée en 2004. Une pétition circule aussi dans le web à cet effet.