L'Assemblée nationale française a adopté à 335 voix contre 1 le projet de loi visant à interdire le port du voile intégral dans l'espace public. Si le projet de loi franchit les étapes à venir, les policiers pourront donner des amendes de 150 euros (près de 200$) aux femmes qui portent le niqab ou la burqa, tandis que toute personne qui force une femme à se vêtir ainsi risquera un an de prison et 30 000 euros d'amende (39 300$).

La quasi-totalité de l'opposition (les socialistes, les communistes et les verts) s'est abstenue de voter.

Amnistie internationale a condamné le projet de loi au motif qu'il viole la liberté d'expression et de religion.

Fait à noter, dans le texte du projet de loi, on ne prohibe pas expressément burqa et niqab, mais on interdit «la dissimulation du visage».

Les sanctions entreront en vigueur au printemps prochain, après six mois de «pédagogie». Un particulier, un certain Rachid Nekkaz, a déjà mis sur pied un fonds de 1 million d'euros pour payer les amendes à venir.

Selon les autorités, environ 2000 femmes portent le voile intégral en France.

Le «paravent» de Sarko

Jean-Herman Guay, professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke, fait remarquer que Nicolas Sarkozy surfe ici sur un thème rassembleur «qui lui sert de paravent pour bon nombre de ses dérapages».

«Dans la joute politique, poursuit le politologue, Sarkozy a trouvé une corde si sensible chez les Français que les députés à gauche ont calculé qu'il valait mieux qu'ils s'abstiennent pour éviter de s'aliéner l'électorat du centre.»

Encore deux étapes

Le projet de loi doit encore franchir l'étape du Sénat et du Conseil constitutionnel. Ce conseil est composé de neuf éminences grises, dont Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

«Habituellement, les lois sont examinées par le Conseil constitutionnel seulement après leur adoption, explique Martial Foucault, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal. Exceptionnellement, pour éviter l'affront d'une invalidation, il a été demandé cette fois-ci que l'examen du projet de loi se fasse avant son adoption.»

Il n'y a pas, en France, d'équivalent à notre Cour suprême. D'éventuels plaignants devront s'en remettre à la Cour européenne, qui, elle, n'aurait pas le pouvoir d'invalider la loi, précise M. Foucault. Elle pourrait cependant obliger la France à verser des dommages-intérêts aux plaignants.