Les services du Premier ministre russe Vladimir Poutine se montraient embarrassés dimanche après le vif échange politique de la veille entre l'homme fort du régime et un vétéran de la scène rock russe connu pour ses convictions d'opposition.

Le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov, s'est vu contraint de préciser dimanche que le chef du gouvernement n'avait nullement donné son feu vert au rassemblement d'opposition interdit, prévu lundi à Saint-Pétersbourg, en dépit de ses déclarations en faveur de la liberté d'expression.

Interrogé samedi par le chanteur du groupe DDT, Iouri Chevtchouk, sur cette manifestation dédiée à la défense de l'article 31 de la Constitution russe, qui autorise les rassemblements pacifiques, M. Poutine avait semblé valider l'initiative, remarquant que les autorités «ne doivent pas créer des conditions rendant impossible l'exercice de la liberté d'expression».

«Si je constate que des gens sont sortis, pas juste pour jacasser ou se faire de la pub, mais pour exprimer des choses pertinentes, concrètes (....) où est le mal ? Il faut leur dire merci», avait-il répondu lors d'une soirée de bienfaisance.

Le chanteur demandait à M. Poutine si la manifestation, à laquelle il comptait se rendre, serait «dispersée».

Il s'était auparavant livré à une diatribe très critique sur l'état de la démocratie en Russie et l'absence de liberté de la presse, un discours rarement entendu en public, a fortiori en présence de M. Poutine.

«L'électorat de protestation croît dans le pays, vous le savez. Beaucoup de gens sont insatisfaits de la situation», a lancé le chanteur, un vétéran de la scène russe connu depuis les années 1980 pour ses chansons au ton contestataire.

«Prévoyez-vous une démocratisation sérieuse, sincère et honnête du pays ? Afin que les ONG cessent d'être étranglées, que nous cessions d'avoir peur des policiers dans la rue ?», avait-il déclaré à l'homme fort du régime.

Celui-ci a répondu assez sèchement au chanteur, l'accusant de «noircir» l'image des forces de l'ordre et de transformer la conversation en «bazar» à force d'interruptions.

Une transcription de la conversation a été publiée sur le site internet du gouvernement russe, tandis que les chaînes de télévision en passaient des morceaux choisis.

Le porte-parole de M. Poutine a déploré sur les ondes de la radio Echo de Moscou que «beaucoup de gens interprètent à présent de façon exaltée (cette) discussion (...) et en dénaturent le sens», notamment au sujet de la manifestation de lundi.

«On entend même des appels à passer à l'action, étant donné que Poutine l'a permis et qu'on ne touchera à personne. Il n'y a rien de semblable, Poutine n'a rien autorisé car il ne peut pas le faire, c'est du ressort des autorités locales», a-t-il ajouté.

Les manifestations d'opposition sont fréquemment interdites en Russie, et, lorsqu'elles ont lieu malgré tout, donnent souvent lieu à des arrestations musclées.

Les opposants russes ont pour coutume de se rassembler les 31 de chaque mois pour défendre l'article 31 de la Constitution, qu'ils jugent bafoué. Des rassemblements sont ainsi prévus lundi à Saint-Pétersbourg, Moscou et Rostov-sur-le-Don (sud-ouest), ville où doit débuter le même jour un sommet UE-Russie.