Une entreprise peut-elle, à des fins publicitaires, se moquer du président Nicolas Sarkozy sans s'exposer à ses foudres?

Plusieurs médias du pays prédisent en tout cas des lendemains difficiles à la firme de location de voitures Sixt en raison d'une campagne récente qui a attiré l'attention.

La publicité, d'abord diffusée à la mi-avril dans quelques quotidiens allemands, invitait la population à faire comme la femme du chef d'État, Carla Bruni, et à choisir «un petit modèle français». Elle a été traduite et diffusée en France dans quelques médias la semaine dernière.

 

Selon le quotidien Le Parisien, l'entourage du président n'a guère apprécié l'initiative, mais aurait décidé de s'abstenir de réagir pour «ne pas faire de publicité à la publicité».

Aucune pression

Les autres entreprises qui ont tenté par le passé d'utiliser le couple présidentiel dans une campagne publicitaire ont dû rapidement faire marche arrière, sous les menaces ou les poursuites.

Le transporteur aérien Ryanair a été condamné il y a deux ans à verser une compensation de 60 000euros après avoir utilisé, sans autorisation, une photo du célèbre couple. Dans l'annonce, Carla Bruni se félicitait du fait que sa famille au grand complet allait pouvoir assister à son mariage grâce aux tarifs de la société. L'office de tourisme de Malte a aussi été prié de retirer toute référence à Nicolas Sarkozy dans une campagne publicitaire qui évoquait ses vacances dans le pays.

Nouvellement élu, le président avait séjourné dans la région à bord du yacht d'un riche industriel français, ce qui avait suscité une importante polémique.

Sixt, qui était sans doute bien au courant du caractère chatouilleux du président, affirme n'avoir subi aucune pression de l'Élysée.

«Non, non, pour l'instant, il n'y a rien du tout», soutient le porte-parole Jens Heinen, joint à Munich, en Allemagne.

Publicités provocatrices

La firme, note-t-il, s'est illustrée plusieurs fois par le passé en faisant référence de manière humoristique à des personnalités connues.

«Sixt aime les publicités provocatrices et originales, mais il n'y a strictement aucune ambition politique derrière cela. La publicité Bruni-Sarkozy est une manière rafraîchissante d'attirer l'attention sur la société», a affirmé Heinen.

Sixt n'a aucune intention de blesser et «s'excuserait volontiers» si les personnes concernées se déclaraient insultées, a-t-il ajouté.

Jean-Marc Lehu, spécialiste en marketing, pense que la population française n'apprécierait pas la campagne de Sixt si elle ciblait la fonction présidentielle elle-même. En l'occurrence, c'est l'homme qui est ciblé, juge-t-il. À force de voir Nicolas Sarkozy mettre en scène sa vie privée, les Français ont dissocié les critiques contre lui de l'institution qu'il symbolise, souligne M. Lehu.

M. Heinen croit pour sa part que les politiciens ciblés de manière humoristique ont tout intérêt à prendre les choses avec désinvolture. C'est ce qu'a fait la chancelière allemande, Angela Merkel, après que Sixt l'eut représenté dans une publicité les cheveux en l'air, comme une punk, pour vanter les mérites d'une voiture décapotable. «L'image a été reprise par plusieurs magazines qui la trouvaient très drôle. La campagne lui a été utile parce qu'elle a réagi d'une manière très cool qui a plu au public», relève le relationniste.