La Française Clotilde Reiss, retenue depuis dix mois en Iran pour avoir participé à des manifestations anti-gouvernementales, est arrivée dimanche après-midi en France après une libération qui n'a fait l'objet d'«aucun marchandage» secret avec Téhéran, selon Paris.

Libérée samedi après le paiement d'une amende à Téhéran, la jeune femme de 24 ans a été ramenée dimanche à Paris via Dubaï par un Falcon du gouvernement français qui est arrivé en début d'après-midi à l'aéroport militaire de Villacoublay (près de Paris).

Accompagnée de sa famille, elle s'est rendue à l'Elysée où elle s'est entretenue avec le président Nicolas Sarkozy, avant de rendre publiquement «hommage» aux détenus iraniens qu'elle avait côtoyé quand elle était en prison, particulièrement à «deux hommes» jugés en même temps qu'elle et «qui ont été exécutés».

Clotilde Reiss «était retenue injustement en Iran depuis 2009. Elle a fait preuve tout au long de sa détention, puis de sa liberté conditionnelle à l'ambassade de France (à Téhéran), d'un courage et d'une dignité exemplaires», a déclaré le président français dans un communiqué.

Dans le même texte, M. Sarkozy a remercié «tout particulièrement le président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, le président du Sénégal Abdoulaye Wade, et le président de la Syrie Bachar al Assad, pour leur rôle actif» dans la libération de Clotilde Reiss, sans donner de précision sur ses circonstances.

Quelques heures avant son retour, Paris comme Téhéran ont démenti tout lien entre sa libération et celle d'Iraniens détenus en France.

Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a martelé, au micro de Radio J, qu'il n'y «a eu aucune contrepartie (...) aucun marchandage», assurant qu'«en France, on n'influence pas des décisions des juges».

De son côté, le chef de l'Etat sénégalais, président en exercice de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), a affirmé avoir joué un rôle dans la libération de la jeune femme, grâce à une médiation menée depuis septembre 2009.

Dimanche, M. Wade a affirmé à la radio RTL que sa médiation avait été interrompue à la demande d'un conseiller de M. Sarkozy fin 2009 et n'avait repris que bien plus tard, estimant que cet épisode avait retardé de «six mois» la libération de Clotilde Reiss.

Lectrice à l'université d'Ispahan (centre du pays), Clotilde Reiss était accusée d'atteinte à la sécurité nationale de l'Iran, notamment pour avoir participé à des manifestations de l'opposition contestant la réélection du président Ahmadinejad en juin 2009.

Arrêtée le 1er juillet 2009, elle avait été libérée mi-août et assignée à résidence à l'ambassade de France à Téhéran, dans l'attente de son jugement. Elle a été condamnée samedi à deux peines de cinq ans de prison, une sentence immédiatement commuée en amende. La jeune femme a donc pu quitter l'Iran après le paiement de l'amende, de 300 millions de tomans (environ 230.000 euros).

Ce jugement est intervenu quelques jours après le refus de la justice française d'extrader vers les Etats-Unis un ingénieur iranien, Majid Kakavand, accusé par Washington d'avoir fourni illégalement à l'Iran des composants pouvant avoir des applications militaires.

Dimanche, Téhéran a affirmé que la libération de Clotilde Reiss n'avait «rien à voir» avec celle de l'ingénieur, qui a regagné l'Iran la semaine dernière.

Mais le 11 mai, se félicitant de la libération de M. Kakavand, Téhéran avait déclaré espérer une «décision rapide» concernant Clotilde Reiss.

La justice française doit par ailleurs se prononcer le 18 mai sur la mise en liberté conditionnelle de l'Iranien Ali Vakili Rad, condamné en 1994 en France pour l'assassinat de l'ex-Premier ministre iranien Chapour Bakhtiar, et dont le nom a été souvent cité avec celui de M. Kakavand dans le cadre de la résolution de l'affaire Reiss.