Le président russe, Dmitri Medvedev, entame lundi une visite de deux jours à Kiev pour évoquer notamment un projet de fusion entre le géant russe Gazprom et la société ukrainienne Naftogaz, sur fond de nervosité en Ukraine après le brusque rapprochement avec Moscou.

«Je suppose que les deux présidents n'ignoreront pas ce dossier», a indiqué vendredi le chef de l'administration présidentielle russe, Sergueï Narychkine. «Il faut examiner sérieusement cette question, et cet examen est en cours», a-t-il souligné.

L'idée de fusionner Gazprom, premier producteur mondial de gaz, avec son homologue ukrainien Naftogaz, en difficulté, a été émise par le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, sans pour autant susciter l'enthousiasme de Kiev.

Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, qui a entamé un rapprochement spectaculaire avec Moscou depuis son élection en février, a d'ores et déjà jugé cette fusion «impossible» dans une interview à la BBC publiée vendredi matin.

«Si c'est à 50-50, ce serait intéressant», a-t-il d'abord suggéré, alors que, selon des experts, la part ukrainienne dans cette union ne dépasserait en réalité pas 8%.

«Nous comprenons qu'il est impossible de le faire à 50-50. Car Gazprom ne l'acceptera jamais, la Russie ne l'acceptera pas. C'est une blague. Et une fusion sous toute autre condition est impossible», a résumé M. Ianoukovitch.

Il souhaite en revanche former un consortium avec la Russie et l'Union européenne, afin de moderniser son système de gazoducs par lequels transitent 80% des livraisons du gaz russe vers l'Europe.

Kiev craint de perdre sa position de transitaire avec la construction par la Russie de ses gazoducs North Stream et South Stream contournant l'Ukraine.

Le voyage de M. Medvedev russe suscite une vive inquiétude de l'opposition pro-occidentale ukrainienne, qui redoute la signature d'accords défavorables pour le pays.

D'autant plus que la précédente venue de M. Medvedev en avril s'était soldée par la signature surprise d'un document sur le prolongement de 25 ans du bail de la base navale russe en Crimée (sud), en échange d'une ristourne gazière, décision relevant de la «haute trahison» aux yeux des opposants.

Ces derniers ont rassemblé mardi 2 000 manifestants à Kiev pour dénoncer la future conclusion de nouveaux accords «anti-ukrainiens» censés selon eux donner aux Russes le contrôle du nucléaire civil, de l'énergie électrique et de l'aviation en Ukraine.

Pour faire baisser la tension, le gouvernement a accepté de faire un rapport mercredi au Parlement sur ses négociations avec Moscou, assurant que sur les cinq accords devant être conclus lundi aucun ne concernait ces dossiers.

Il s'agit des documents portant sur la délimitation de la frontière ukraino-russe et l'utilisation conjointe du système russe de navigation par satellite Glonass ainsi que sur la coopération dans les secteurs bancaire, culturel et de l'éducation, a déclaré le vice-Premier ministre, Andriy Kliouïev.

Il n'a pas pour autant rassuré ses adversaires, qui jugent ses informations incomplètes. «Nous sommes convaincus» qu'il va y avoir «de nouveaux documents (...) écrits au Kremlin», a déclaré Sergui Sobolev, un député du bloc Timochenko, menaçant de nouvelles manifestations en cas d'accords secrets.

M. Medvedev, qui doit rester deux jours en Ukraine, pourrait par ailleurs visiter mardi la centrale de Tchernobyl, théâtre de la pire catastrophe nucléaire de l'Histoire en 1986, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, selon des sources gouvernementales ukrainiennes.